
En 1997, Tati Barbès invita Malick Sidibé, Seydou Keita et Samuel Fosso à recréer dans le magasin leur studio photo pour faire des portraits des clients du magasin. Les deux premiers acceptèrent, mais Samuel Fosso refusa, et, à la place, fit des autoportraits avec des habits du magasin. En fait, Fosso ne fait que des autoportraits. L’exposition qui lui est consacrée à Huis Marseille à Amsterdam (jusqu’au 12 mars) montre bien, dans un recoin, quelques exemples de son travail de studio photo à Bangui entre 1970 et 1990, mais c’est tout à fait secondaire par rapport à la quantité d’autoportraits ici présentés. Ils sont de bonne qualité, mais cette obsession narcissique, voire exhibitionniste avec son propre corps devient lassante ; même, ici ou là une touche d’androgynie ou d’homoérotisme ne parvient pas à épicer cette monotonie. Même quand il veut pleurer la mort de son ami Tala, tué par la police en juin 1997, Fosso se montre lui-même, se projette sur l’identité de son ami, et, qui plus est, nu.

Au milieu de cette sempiternelle autoreprésentation, on ne s’arrête que devant les photographies qui dépassent la personne Samuel Fosso pour incarner quelque chose de plus ample, de plus profond. C’est par exemple le cas de la série Allonzenfans, dont deux diptyques sont montrés ici : un soldat africain en uniforme bleu horizon de la 1ère guerre mondiale, grave, baïonnette au canon, décoré l’un de la Légion d’Honneur et l’autre de la Croix de Guerre et un autre soldat, le même Fosso, souriant, en uniforme olive de la 2ème guerre mondiale. Un rappel bienvenu des tirailleurs sénégalais oubliés, sans grande sophistication.

Dans sa série African Spirits, il incarne quelques grandes figures noires : Angela Davis, Léopold Senghor, Aimé Césaire, Dr. King, Nkrumah. Faute de cartels nominaux, à nous de deviner qui est qui, ce qui n’est pas très difficile. On comprend aisément le propos. Mais que vient faire là ce Saint Sébastien noir ?

La salle la plus réussie esthétiquement est sans doute celle du Pape noir : habits blancs, fonds noirs et boiseries rouges. C’est assez fort, car dérangeant, peut-être plus pour longtemps. Mais tout cela n’est pas très sophistiqué, on reste dans une approche primaire de l’autoportrait. On peut s’en contenter et se réjouir de ces photographies bien faites, sans trop se questionner sur cette obsession représentative. Ou bien on peut préférer des autoportraitistes plus profonds et plus conceptuels, comme par exemple, Helena Almeida ou Jorge Molder.
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