Kentridge à Luxembourg, arbre et procession

William Kentridge, MUDAM Grand Hall, vue d’exposition

en espagnol

La ville de Luxembourg a programmé une série d’événements autour de William Kentridge, dont je n’ai vu que l’exposition au MUDAM (jusqu’au 30 août). Elle s’ouvre par une magnifique installation sous la verrière-cathédrale (Almost Don’t Tremble, 2019), où quatre énormes mégaphones (mémoires de manifestations plutôt que de Hollywood) diffusent des musiques de compositeurs sud-africains, dont Hasha, de Nhlanhla Mahlangu, un chant a cappella pour six chanteurs, et Counting Numbers de Philip Miller, un hymne traduit en Xhosa avec des voix de soldats africains emprisonnés à Berlin en 1917, comptant de 1 à 20 en huit langues différentes, du Zoulou à l’Arabe dialectal tunisien. La salle, éclairée par le soleil, est dominée par un immense arbre, dessiné (par les étudiants de l’ESAL à Metz) sur une paroi et dont l’ombre improbable est dessinée au sol (Let Them Think I Am A Tree & Shadow, 2021) : la vibration visuelle de ce doublon est soulignée à la fois par la solidité de l’arbre et par l’immanence de l’ombre.

William Kentridge, More Sweetly Play the Dance, 2015, installation vidéo, ph. de l’auteur

L’ombre se retrouve bien sûr dans la procession emblématique More Sweetly Play the Dance : une procession lente, tragique sur sept écrans, une scansion de l’espace, des personnages étranges, danseurs, musiciens, mineurs, malades, squelettes, disparaissant dans les failles entre les écrans pour renaître quelques secondes plus tard, des fanfares, des têtes coupées sur des piques, une danse macabre, le royaume des ombres. Le premier processionnaire jette des feuilles à tous vents, la dernière brandit un fusil : une symbolique toute révolutionnaire ? L’effacement et le recouvrement ne sont pas seulement des techniques de dessin, mais aussi des symboles de l’Histoire.

William Kentridge, Procession, 2000, ensemble de 25 sculptures, bronze, coll. part.

D’autres salles avec des films (dont Sybil, des images saccadées sur fond de dictionnaire), des dessins, des statues, comme la procession ci-dessus, des maximes (« Beware the age of 73 », me dit l’une), et partout, des ampersands & : la liaison, le double. Tout ici évoque son studio, ses ébauches, et la diversité de ses pratiques. Ailleurs dans le musée, une belle installation de cordes et de cuir de Leonor Antunes.