Sommaire de décembre 2008

24 billets ce mois-ci

2861 visiteurs quotidiens ce mois-ci

1er décembre: Chasse et caverne (Tania Mouraud)
3 décembre   : JE VEUX VOIR !
5 décembre   : Portrait of a Lady
7 décembre   : Des menhirs
8 décembre   : Des photos tactiles (Anne-Marie Filaire)
9 décembre   : Audition (L’Uterpan)
10 décembre : D’après l’antique (Mimmo Jodice)
11 décembre : Du rock psychédélique
12 décembre : Angelika Markul, entre deux mondes
14 décembre : Delacroix et la photographie
15 décembre : Arbus sur papier journal
16 décembre : Feuilles et Station, face à face
17 décembre : Tableau d’intimité
18 décembre : Beyrouth, ses héros, ses politiciens, sa mémoire (Hadjithomas & Joreige)
19 décembre : Lee Miller dans Vogue, ou les horreurs de la guerre
20 décembre : Skate, danse et grâce (L’Uterpan)
21 décembre : Xavier Le Roy au 104
22 décembre : Colomer, dedans, dehors
23 décembre : Andy Warhol en lunettes rouges
24 décembre : Méditer devant Rothko
25 décembre : Treblinka dans Londres (Miroslaw Balka)
26 décembre : Kabakov à l’asile
27 décembre : Dispersion et recomposition*
29 décembre : Photomontage

* billet le plus lu, avec 4687 visiteurs.

Le millionième visiteur de l’année s’est connecté le 29 décembre.

Photomontage

La Collection Estorick à Londres présente en permanence l’art italien du début du XXème siècle, et en particulier les futuristes, et organise souvent des expositions pointues, mais très intéressantes. Celle qui s’est terminée le 21 décembre présentait le photomontage entre les deux guerres dans trois pays, Italie, Allemagne et Union Soviétique. Tant à cause de ses inventeurs (John Heartfield, Raoul Hausmann, El Lissitzky) que de ses théoriciens (de Walter Benjamin à Georges Didi-Huberman), on associe d’ordinaire le photomontage aux forces de gauche, communistes ou antifascistes de cette époque. Par le contraste, le décalage qu’il introduit dans la vision des images, par le dérangement quil vinicio-paladini.1230084785.jpgcause, le photomontage crée un impact visuel d’un type nouveau, plus proche du cinéma que de la représentation visuelle classique. Il peut ainsi créer un nouveau langage pour les masses, fort, clair, aisément compréhensible, et donc propice à la propagande.

Certes le montage peut aussi être un outil surréaliste, mettant alors ce décalage au service du rêve et non plus du pouvoir, et l’exposition en présente quelques exemples, comme ces Jeux Olympiques de Vinicio Paladini (1934) où une statue antique curviligne se trouve prise dans un réseau géométrique de lignes droites implacables, ou comme les aéro-photographies de Bruno Munari. 

paul-schuitema.1230084770.JPGIl est plus surprenant de voir l’utilisation commerciale, publicitaire du photomontage dès ses débuts, par exemple avec Film Liga de Paul Schuitema (1926). Cette publicité est conçue comme un montage surréaliste (on pense bien sûr au Phénomène de l’extase, de Dali), avec cette juxtaposition serrée de personnages, de scènes de films, mais aussi de sacs de jute, d’escaliers en spirale et d’yeux de verre en tas; à droite, de la pure géométrie, et en bas un signe en français sur quatre fanions ‘Rien que les heures’ (film de Cavalcanti de 1926). Il n’y a pas de cohérence significative évidente, mais une volonté de frapper l’esprit, de capter le regard, d’avoir un impact fort.

xanti-schawinsky-2.1230084800.jpgPlus surprenant encore est ce portrait de Mussolini. On sait la fascination qu’exerça le fascisme à ses débuts sur bien des futuristes; dans une vitrine un peu plus loin, se trouve un exemplaire de l’Almanacco Italia Veloce dédicacé par Marinetti en 1932 « A Benito Mussolini, Grande Capo Veloce dell’Italia Veloce ». Ne connaissant pas l’artiste, Xanti Schawinsky, on hésite : est-ce un montage à la gloire du Duce ? Il semble ici porté par les masses populaires qui composent son corps, comme dans un immense meeting politique, alors que son visage est traité de manière pointilliste : glorification du Chef ? Les images se profilant sur la lettre S sont des défilés et des ruines antiques, ancrage historique du fascisme italien. Alors faut-il s’étonner du thème, les élections législatives de 1934, XIIème année du régime, qui sont un véritable plébiscite pour Mussolini avec 99.84% de oui ? L’énormité de ce score devrait-il nous alerter ? Schawinsky, qui était au Bauhaus, fut persécuté par les Nazis, non point pour ses origines juives, mais parce qu’il était un ‘Kultur-Bolshewist’; il quitta l’Allemagne en 1933, mais pour l’Italie, où il resta jusqu’en 1936 avant de rejoindre le Black Mountain College. Alors ? Tout dans l’image exprime son soutien au Duce, de manière forte et convaincante. Le message délivré par le photomontage est plus fort que la possible ambivalence des intentions de l’artiste.

Et c’est bien la preuve que le photomontage ne fut pas que militant de gauche, mais aussi surréaliste, commercial ou fasciste (mais, semble-t-il, très peu nazi). Le photomontage politique n’est pas que simple propagande, il est aussi au service de causes culturelles. Pour la pièce de théâtre Le Marchand de Berlin de Walter Mehring (1928), mise en scène par Piscator, Laszlo Moholy-Nagy compose cette impressionnante affiche où s’empilent bâtiments et véhicules, dans un chaos utopiste.

anatoly-bolsky-2.1230084717.jpgLe cinéma est bien sûr un outil primordial d’éducation des masses, et le photomontage, se positionnant justement dans la dichotomie entre image fixe singulière et image mobile multiple, est un vecteur particulièrement apprécié pour les affiches des films. Voici l’affiche du film La Pipe du Communard, du Soviétique Constantin Mardjanov en 1929, affiche due à Anatoly Belsky. La fumée qui s’élève du fourneau de la pipe, confiée par le communard à son enfant, est un écran sur lequel se déroulent en ondulant les images clés du film.

gustav-klucis-2.1230084730.jpgEnfin, l’exposition présente beaucoup d’affiches purement politiques. Celle-ci, réalisée par une des figures les plus marquantes, le letton Gustav Klucis, s’intitule Brigade n°1. Réalisons les Grands Projets du Plan, et date de 1930. Cet enchâssement de mains levées, avec quelques petits visages en rangs obliques, exprime avec force et simplicité la mobilisation des travailleurs. C’est une des compositions les plus sobres et les plus puissantes de toute l’exposition.

larmee-rouge-est-lecole-de-combat-des-travailleurs.1230085013.JPGA contrario, voici une affiche anonyme de 1934, L’Armée rouge est l’école de combat des travailleurs. C’est une composition monumentale avec plus de 40 photos distinctes organisées dans des étoiles gigognes. En regardant de près, les lignes des canons et les regards des hommes relient entre eux les différent plans, mais l’impression générale, toujours puissante, est confuse : on ne retient guère que le cavalier au sabre sur son rond rouge.  

nikolas-sidelnikov.1230084758.JPGNulle ambiguïté dans les photomontages soviétiques, bons et méchants sont clairement identifiés au premier coup d’oeil. On retrouve souvent l’image du bourgeois cosmopolite tirant les ficelles, manipulant le peuple. Voici, plus joliment, Les profiteurs de guerre de Nikolai Sidelnikov (1931) : à côté des bourgeois classiques en tenue de soirée, ce militaire à tête de chat est un oppresseur des soldats en bas de la composition, les menant à la mort, comme le montrent croix et ossuaire en bas à droite.

Comme le dit Cesar Domela, la photographie montre un objet, alors que le photomontage présente une idée. C’est cette invention d’un nouveau langage, cette application à la photo et au graphisme du montage, né du cinéma, que cette exposition montre fort bien. 

Photos de Schuitema, Moholy-Nagy, anonyme et Sidelnikov prises par l’auteur. Autres photos provenant de divers sites internet. Moholy-Nagy étant représenté par l’ADAGP, la photo de son oeuvre a été retirée du blog au bout d’un mois.

Dispersion et recomposition

L’exposition titrée ‘Dispersion‘ à l’ICA à Londres (jusqu’au 1er février) exige dés le début courage, audace et engagement de la part du spectateur. La première salle, consacrée à Maria Eichhorn, comprend un projecteur de cinéma 16mm en pleine lumière et, au mur, une liste de quinze films. Mais le projecteur est éteint et non chargé : il faut donc solliciter le gardien assis dans la salle et lui demander un des films, dont il va soigneusement charger la bobine dans le projecteur qu’il allumera ensuite. Chaque film dure trois minutes. Du courage ? de l’audace ? L’oeuvre de Maria Eichhorn se nomme le Lexique filmé des pratiques sexuelles, et les films ont pour titre ‘Fellation’, ‘Masturbation’, ‘Cunnilingus’, etc.., termes dont le sens est expliqué dans le texte stencilé au mur. Pour compliquer le tout, certains des films listés ne sont pas disponibles (‘ah, désolé, nous n’avons pas ‘Coït’, mais je peux vous proposer ‘Sexe anal’ à la place’); cette discordance (ou cette censure ?) est un eichhorn-1.1230071000.jpgfacteur supplémentaire de gêne. Ce lexique est froid, analytique, descriptif, mécanique : tout est filmé en gros plan clinique, très serré, au point que, regardant ‘French kiss’, je n’étais pas sûr du genre d’un des protagonistes (en fait, ce sont deux femmes, ai-je ensuite appris; dans ‘Love bite’ ci-dessous, aussi). C’est une approche pas vraiment pornographique, plutôt conceptuelle. Je ne suis pas certain qu’on apprenne grand chose dans ce manuel (‘le sexe pour les nuls’ ?) pragmatique et méticuleux. Mais je dois avouer que, mon audace étant limitée et mon temps aussi, je me suis contenté de 4 des 10 films disponibles ce jour là, en ne choisissant pas les plus ‘hard’; qui sait ce que j’aurais découvert en regardant ‘Ass licking’, par exemple ? Les deux films les plus demandés, et d’ailleurs, avant de le savoir, ceux par lesquels j’ai commencé, sont ‘Mouth’ (the lips) et ‘Eyes’ (the look) ; ce sont deux petites séquences surréalistes. Les lèvres, très rouges, bougent à peine, l’oeil, bleu-vert, cligne à peine. ‘Cunnilingus’, mon autre choix, était triste à en mourir, action de pompage mécanique où la seule trace d’humanité était un mince filet de salive échappant à la norme clinique performatrice. Plus que du sujet lui-même, l’intérêt de cette installation me semble donc surtout venir du dispositif, de l’interaction du spectateur, de la nécessité de son engagement, de son franchissement des normes (de haut en bas ‘Breast licking’, ‘Eye’, ‘Love bite’ et ‘Mouth’).

L’autre pièce particulièrement intéressante dans cette exposition induit une autre forme d’interrogation de l’image, avec l’artiste allemande d’origine japonaise Hito Steyerl partant à la recherche d’une photo d’elle-même prise quand elle était étudiante à Tokyo. Elle avait alors posé pour une séance de kinbaku, le bondage japonais. Revenant au Japon vingt ans plus tard , elle filme sa quête de sa propre photo, avec l’aide d’une interprète, elle-même adepte du bondage ‘auto-suspendu’, tout en étant de surcroît suivie par une équipe de télévision allemande. Elle visite des archives, rencontre des photographes et des ‘ropemasters’, et se retrouve enfin, sa photo étant labellisée ‘Lovely Andrea’ dans un vieux magazine (Andrea, car c’était le prénom de l’amie de Hito Steyerl, militante pro-kurde assassinée). Regardant cette photographie ancienne, les experts reconnaissent aussitôt la patte du maître Tanaka Kinichi : Hito Steyerl le retrouve, vingt ans après, et l’interviewe autour d’une tasse de thé. On a là une recherche de l’image, de sa propre image identitaire, mais aussi, à cause du le film documentaire et de l’équipe de télévision, d’une image originelle, primale, délinquante. Le film est entrecoupé de séquences de Superman et de vues de Guantanamo et d’Abu Ghraib, univers où les corps sont aussi pris dans des liens. Le bondage, répulsif pour la plupart d’entre nous, transgressif, est associé ici à l’idée de flotter, d’être libre, délivrée de la pesanteur, mais aussi à la honte, à l’exploitation (le script du film est ici; un petit extrait, juste avant la découverte de la photo, est ici).

Alors que la série de Maria Eichhorn interrogeait la plénitude du corps, décomposé en organes et en fonctions, le film d’Hito Steyerl tente de recomposer ce même corps à travers le temps, réunifiant le corps présent de la quadragénaire aux commandes derrière la caméra et le corps retrouvé de la jeune fille ligotée qu’elle fut alors. Cette tentative de recomposition, cette lutte contre l’éclatement, la dispersion font l’intérêt de ce film, tout autant que le discours politique et féministe sur bondage, pouvoir sexuel et exploitation. Parmi les six artistes de l’exposition, ce sont là les deux les plus intéressantes, à côté de la galerie historique de portraits de lesbiennes et de gays d’Henrik Olsen (Caillebotte était donc homosexuel ? Bazille aussi ?), de la superposition d’images de Seth Price, des photos recyclées d’Anne Collier et de la vidéosurveillance des traces de peinture laissées sur le sol du studio d’Hilary Lloyd par un peintre, précédent occupant, traces de mémoire dans lesquelles on est complètement immergé grâce à deux écrans muraux géants.

Maria Eichhorn et Hitomi Steyerl étant représentées par l’ADAGP, les photos ont été ôtées du blog à la fin de l’exposition.

Kabakov à l’asile

Après l’hôpital à la Serpentine, c’est dans une petite galerie londonienne en étage, (Sprovieri Progetti, jusqu’au 14 février) derrière deux monuments, le Icebar et Momo, qu’Ilya (et Emilia) Kabakov expose(nt) un autre rêve d’asile, une chambre dans un institut psychiatrique imaginaire, un endroit où les patients peuvent réaliser leurs projets. Ici, une certaine Eliazarova nous raconte sa nostalgie de ses nuits dans le verger à la campagne (I Sleep in the Orchard), sa vie difficile en appartement collectif à Moscou et le refuge qu’elle a trouvé à l’asile, comme si c’était un verger. Dans sa chambre, présentée comme une scène de théâtre, le lit est inaccessible, bloqué par des plantes en pot.

Est-ce une apologie d’une nouvelle approche psychiatrique ? Est-ce une analogie : artiste-patient et curateur-médecin ? Une réflexion sur l’exil et le refuge ? Kabakov est un grand adepte des installations et celle-ci fonctione plutôt bien. Un peu plus loin, un ‘éternel émigré’ et un radieux tableau réaliste socialiste (‘The Apples are Ripe’) de l’artiste fictif Charles Rosenthal : d’autres manières d’échapper à la réalité, d’aller dormir dans le verger. 

Photo de l’auteur. Les Kabakov étant représentés par l’ADAGP, la photo a été ôtée du blog à la fin de l’exposition.

Treblinka dans Londres

miroslaw-balka-nothere-2.1229996419.jpgD’abord, on ne comprend rien. Ce n’est pas beau, une armature octogonale faiblement éclairée, en métal plus ou moins rouillé, avec un demi-étage; au sol, un seau où bouillonne ce qui, à l’odeur et à la vue, semble être du vin rouge (du sang aurait peut-être cet aspect, mais pas cette odeur, se dit-on pour se rassurer un peu). Une structure pour Francis Bacon ? Et ce n’est pas le titre qui va nous éclairer : 250 X 700 X 455, Ø 41 X 41 / ZOO /T (2007). Alors on est furieux, on s’insurge contre ces artistes abscons qui se foutent du monde, on s’énerve et on descend au sous-sol du White Cube Mason’s Yard à Londres.

Là on entre dans un étroit couloir, construit entre le mur de l’immeuble et une palissade en bois brut de 1.9 mètres de haut (titre : 190 X 90 X 4973 (2008) ). C’est un peu oppressant, on se sent à l’étroit, heureusement que le plafond de la galerie est haut, qu’on peut respirer. Un coup d’oeil par dessus la palissade ne révèle qu’un espace vide. Pour peu qu’on soit un peu claustrophobe, on commence à sentir le niveau d’anxiété monter. On n’a pas le choix, on doit avancer, longer les murs, aller jusqu’au bout; où cela nous mènera-t-il ?  

Nulle part. On a tourné tout autour de la salle du sous-sol et on se retrouve près du point de départ, devant une vidéo du ciel, de la cime des arbres, des oiseaux qui volètent. Elle est projetée au sol sur un écran granuleux, qui se révélera être du sel fin. Le titre ne nous dit toujours rien : ‘170 X 126 X 10 /T. Turn (2004)’. La frustration monte, on ne parvient pas à saisir, à relier ces éléments, et pourtant on ressent bien leur force brute, on pressent qu’il y a quelque chose de fort, de violent là-derrière.

Il aurait fallu entrer par l’autre porte, voir d’abord la quatrième pièce de l’exposition, un petit écran tourné vers l’extérieur où se déroule en boucle un film de 3 secondes : un homme en uniforme répétant en boucle les mots « Primitiv, ja ! ». Cet homme se nomme Franz Suchomel, il fut SS-Unterscharführer (sergent) au camp de concentration de Treblinka, et ces deux mots sont extraits de son interview par Claude Lanzmann (qui lui promit l’anonymat) dans Shoah (« Auschwitz était une usine, mais Treblinka, à côté, était primitif, oui, primitif, mais efficace comme chaîne de production de la mort »).

Alors, avec l’aide du communiqué de presse, tout prend sa place. La première structure est la maquette, réduite à 2,5m, d’un petit zoo pour la distraction des gardes allemands et ukrainiens de Treblinka. Il y avait des renards en bas et des colombes en haut; cohabitaient-ils en paix ? Et que fait donc le vin là ? Je ne sais.

L’artiste polonais Miroslaw Balka est clairement obsédé par la mémoire, par l’impossibilité d’oublier, par l’histoire de ce qui advint dans son pays, par le déplacement, par l’extermination. L’exposition (jusqu’au 7 février) est titrée Nothere, qui peut se lire ‘No there’ (il n’y a pas de là-bas) ou ‘Not here’ (pas ici). Un peu tiré par les cheveux, se dit-on, surtout en lisant comment Balka, qui vit près de Treblinka, a trouvé les plans du zoo, d’après sa trace sur une photo aérienne alliée.

birkenau-sonderkommandos.1229997669.jpgEt puis, armé de ces nouvelles connaissances, on refait le parcours du sous-sol, parcours qui se réfère au ‘Schlauch’, le boyau où les prisonniers, après s’être déshabillés, se pressaient vers la salle de douche, vers l’extermination. Ce boyau était couvert de barbelés et dissimulé sous des branchages. Et ce simple parcours de quelques minutes est le pivot de toute l’exposition, de toute la démonstration de Balka : alors que le zoo ne faisait que réfléchir, et s’interroger dubitativement, ce passage engage bien autrement le visiteur et le bouleverse. En sortant, on voit le ciel de Treblinka, filmé par Balka couché au sol sur 360°; la tête nous tourne un peu, on pense à la quatrième photo (ci-contre) des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau, celle qui ne montre rien, ou plutôt qui, à sa manière, montre tout, la hâte, la peur, l’image qui en quelque sorte authentifie les trois autres (lire ‘Images Malgré Tout’). Balka est un poète tragique.

Lire ici et ici.

Photo 1 provenant du scan d’un journal. Vous trouverez davantage de photos sur le site de la galerie.

Méditer devant Rothko

Comment parler des tableaux de Mark Rothko ? (à la Tate Modern à Londres jusqu’au 1er février). Je m’en étais déjà trouvé incapable il y a quelques années, visitant la Chapelle de Houston, resté muet. Il est ainsi des moments où on ne peut que se taire, méditer ou prier, se laisser envahir par des sensations inconnues, une sérénité muette jamais atteinte jusque là. Les mots sont impuissants, trop froids, trop pédants.

mark-rothko-hans-namuth-1964.1229986946.jpgIl faut rester là longtemps, non pas regarder chaque toile comme un objet unique, mais plutôt les laisser interagir entre elles, créer un autre monde, et être emporté par ce qu’on doit bien nommer une expérience quasi mystique.

Bien sûr, on peut toujours avoir un discours savant, analytique, historique, structuré, mais le catalogue, remarquable, est là pour ça, plus tard. Ici, dans les salles, c’est la poésie qui règne, les fantômes qui flottent, le premier chapitre de la Genèse qui se déroule.

Il sera bien temps ensuite de lire, de tenter de comprendre, de regarder aussi l’indiscrétion irrespectueuse avec laquelle les conservateurs tentent de percer les secrets de sa technique, comme pour un maître ancien, comme pour renforcer la dimension archaïque, primitive de son travail.

Mais pour l’instant, zen ou chrétien, il faut simplement méditer.

Joyeux Noël à tous !

Photo © Hans Namuth, 1964 (comme un écho de celle-ci).

Andy Warhol en lunettes rouges

Quelques jours à Londres et beaucoup d’expositions.

warhol-lunettes-rouges.1229984081.JPGCelle sur Andy Warhol à la Hayward Gallery, Other Voices, Other Rooms, jusqu’au 18 janvier, est concentrée surtout sur ses vidéos* et ses films et exigeait plus de temps que je ne pouvais y consacrer, hélas. Je n’ai pu vraiment jouir que de la première salle, Cosmos, qui montre la variété de projets et de médias sur lesquels Warhol a travaillé. Ci-contre un de ses livres, qui, bien sûr, m’a arrêté net. Dans cette même salle, une quarantaine de ‘Screen Tests’ (sur 600), où Warhol demandait à ses sujets / modèles de rester 2 minutes et 45 secondes (soit 100 pieds de pellicule) sans bouger et sans cligner des yeux devant la caméra. Ces films sont projetés à 16 images par seconde au lieu de 24, ce qui leur donne une qualité éthérée, irréelle; et au moment où j’entrais dans la salle, Marcel Duchamp !
Au premier étage de la Hayward, un homme seul marchait sur la banquise, suivi docilement par un énorme brise-glaces (Guido van Der Werve, jusqu’au 4 janvier).

Comme les prochains billets seront tous sur des expositions qui m’ont plu, je mentionne rapidement dans ce billet récapitulatif ce que je n’ai pas vu et ce qui ne m’a pas plu.

Je n’ai pas vu les tableaux de la Reine à Buckingham Palace, ‘De Bruegel à Rubens’ (jusqu’au 26 avril) : pas le temps, une prochaine fois. Et j’ai refusé de payer dix livres pour aller voir ‘Les visages de la Renaissance, de van Eyck à Titien’, à la National Gallery, (jusqu’au 18 janvier) alors que la majorité des tableaux sont habituellement visibles gratuitement dans les salles du musée, n’étant pas convaincu de « l’intérêt scientifique » de l’exposition. Je me contenterai de suggérer qu’on m’offre le catalogue pour Noël.

J’ai beaucoup aimé, mais ne sais trop comment écrire sur l’exposition sur Robert Capa et Gerda Taro au Barbican jusqu’au 25 janvier: exposition très historique, avec, en particulier les photographies de Capa récemment découvertes au Mexique et une analyse très rigoureuse du soldat mourant, entre autres icônes. Mais cela mériterait un vrai travail d’historien, alors tant pis. Voici, en bonus et hors expo, cette photo inconnue de Capa en train de recharger son appareil en juin 1944, identifié par l’équipe de PhotosNormandie.
A l’étage inférieur du Barbican, quatre photographes contemporains sur la guerre : seul Omer Fast, déjà vu à Pompidou, se détache du lot avec la même installation sur quatre écrans, où deux histoires s’entrecroisent (‘The Casting’).

Une belle exposition d’Hans-Peter Feldmann chez Simon Lee (jusqu’au 31 janvier), mais je préfère de beaucoup ses photographies (‘Time Series’, surtout) et ses objets trouvés à ses compositions kitsch.

Ian Wallace, chez Hauser & Wirth (fini le 20 décembre), montrait une composition intéressante où des séries de photos se faisaient face sur les quatre murs de ce grand espace : les statues (volées) du Parthénon au British Museum face au public d’une performance de Ben à la Tate, et, mieux encore, la construction même des cloisons cimaises de la galerie où nous sommes face à des vues de Piccadilly juste devant la galerie : une mise en écho plaisante et stimulante.

Maintenant, les endroits que je ne vous recommande vraiment pas :
– d’abord, excepté aux fans de Burroughs, l’exposition ‘Collision Course’ dans l’espace GSK Contemporary jusqu’au 19 janvier : c’est snob, incohérent, racoleur, et les deux premières parties sont sans grand intérêt (à part une vidéo de Cyprien Gaillard, ‘Real Remnants of Fictive War’, et ‘Mono Lake’ de Robert Smithson). Si vous décidez néanmoins de payer les £6 d’entrée (ah, les avantages de la faiblesse de la livre..), évitez les ‘Oignons’ de Rémy Markowitch, fermez les yeux et allez droit dans la dernière salle voir les memorabilia en tous genres de William Burroughs;
– ensuite, et c’est bien dommage, si le nouveau bâtiment de la Photographers’ Gallery est nettement mieux que l’ancien, les deux expositions inaugurales ne sont pas de la même qualité que ce que j’avais vu avant : des vues de Soho plutôt banales et le portrait d’un couple de transsexuelles âgées (Katy Grannan);
– puis la sécheresse ingrate des candidats au Turner Prize à la Tate Britain (jusqu’au 18 janvier), le lauréat, Mark Leckey, n’étant que marginalement plus excitant. Allez-y éventuellement avant de voir Bacon; après, ça vous rendra misanthrope. Allez plutôt voir le très beau film (‘All that’s solid melts into air (Karl Marx)) du Laotien Vong Phaophanit, avec Claire Oboussier, dans la Light Box, c’est simple et émouvant, et très bien construit (en sursis, ça aurait dû finir le 30 novembre; rien sur le site de la Tate, apparemment);
– enfin le Turbine Hall de la Tate Modern est confié à Dominique Gonzalez-Foerster pour TH 2058 (jusqu’au 13 avril) : Cocorico ! Sauf que c’est un vrai flop. L’argument est bizarre : pluies diluviennes sur Londres en 2058, les statues se mettent à grandir, on les héberge à la Tate avec les sans-abris. C’est pompeux, prétentieux, imbu de soi-même, et on préférerait que tous ces lits jaunes et bleus accueillent vraiment des SDF, au moins cette exposition aurait un but. L’émotion n’est plus au rendez-vous, les citations pédantes subsistent seules. Non, le montage, ce n’est pas une juxtaposition incongrue et préfabriquée d’éléments disjoints comme ici, c’est un surplus de sens, qui, ici, est absent : je ne sais pas, relisez plutôt Warburg ou Didi-Huberman. 

Bon, ça suffit, à partir de demain, je vous conte les expositions que j’ai vraiment aimées, Bacon, Rothko, Meireles, mais aussi Dispersion à l’ICA, l’art chinois chez Saatchi, le Photomontage, Kabakov et Miroslaw Balka. Ouf !

  • Warhol TV, exposition à la Maison Rouge du 19 février au 3 mai.

Madame Gonzalez-Foerster étant représentée par l’ADAGP, la photographie de son installation (prise par l’auteur) a été ôtée à la fin de l’exposition.

Colomer, dedans, dehors

Un sentiment étrange s’empare de moi en visitant l’exposition de Jordi Colomer au Jeu de Paume (jusqu’au 4 janvier) et c’est peut-être pour cela que j’ai mis si longtemps à en parler, et seulement après une seconde visite. On est accueilli, en plans fixes saccadés, montés avec nervosité, par un speaker de la radio cubaine ici rendu muet et ne pouvant s’exprimer que par gestes et sourires (‘Cinecito La Habana (Eddy)’); on se trouve déjà entre deux, entre image fixe et image mobile. Un peu plus loin, ‘2 Av’ a un effet inversement symétrique : long travelling dans une cité ouvrière du Nord, ce n’est pas un film, mais une série de photos en succession rapide, comme du cinéma préhistorique, haché à 10 images par seconde. Mais le son, lui, est bien présent, avec l’irruption tonitruante de la fanfare municipale. Là aussi, où sommes-nous, entre photo et film ?  

Mais c’est avec Simo que l’on perd tout repère. Une construction de bois occupe toute une salle blanche et lumineuse, comme le revers d’un décor de Cinecitta revu par Claire Chevrier. Un projecteur, à l’extérieur de la structure, envoie des images par un trou creusé dans la paroi. L’intérieur est rouge et sombre, on y accède par deux marches; le film qu’on y voit se passe dans une bâtisse identique, deux marches pour y pénétrer, une caméra à l’extérieur pendule incessamment de l’intérieur à l’extérieur (en fait, un mur a été enlevé pour filmer). Couleurs et lumière sont inversées, blanc lumineux à l’intérieur, pénombre rouge à l’extérieur. Le personnage, par ailleurs remarquable, naine fétichiste compulsive, passe sans cesse du dedans au dehors, accumulant ici, rejetant là. D’autres ont du travail de Colomer une approche plus centrée sur l’architecture et évoqueront ici le Modulor de Le Corbusier, nouveau lit de Procuste où l’actrice naine est déplacée. Mais c’est plus cette interaction entre spectateur et sujet, entre espace d’exposition et espace exposé, entre dedans et dehors, qui, pour moi, donne un sens à ce travail.

Babelkammer joue dans le même registre : une mini-caravane décrépite (avec un incongru fer à repasser sur la table) où est projeté L’Aurore, un des derniers grands films muets, et, au mur de la salle d’exposition, si on tourne le dos à la caravane et s’assoit sur une des innombrables chaises bancales qui parsèment l’exposition, deux vidéos tournées dans la caravane depuis l’extérieur, où une Wallonne et une Flamande, assises sur les banquetets face à face, communiquent tant bien que mal, avec des signes du langage des sourds, sous-titrés dans la langue de l’autre. Il s’agit bien sûr d’incommunicabilité et de Babel, mais il s’agit surtout de la langue, de l’exclusion qu’elle entraîne, et de l’interconnexion de tous ces espaces, le film, la caravane ici, la caravane à Bruxelles, les deux vidéos, le siège du spectateur : où suis-je ? d’où regardé-je ? où est-ce que j’appartiens ?

Dans Les Villes, film double où une jeune femme tombe, ou pas, de la corniche d’un immeuble pendant que des formes constructivistes s’accumulent en arrière-plan dans un tumulte visuel indescriptible, je me suis surtout intéressé, plus qu’à l’architecture, au dédoublement narratif ou aux citations d’Harold Lloyd, à la voyeuse qui apparaît à une fenêtre de l’immeuble : dans le film de la chute, elle montre son nez juste après et regarde vers le bas; dans le film au dénouement heureux, elle assiste au rétablissement réussi de l’héroïne et reste un peu plus longtemps à sa fenêtre, comme un baromètre de nos humeurs. Je ne pouvais détacher mes yeux d’elle, elle était mon double dans le film, mon homothétique.

En la Pampa est certes une histoire étrange, mais c’est surtout une installation sur cinq écrans dos à dos, qu’on ne peut voir en son entièreté en une fois, dispositif évident et perturbant. Les écrans sont au ras du sol, supportés par des étais en bois, comme l’envers d’un village Potemkine. Le spectateur, qui doit inévitablement déambuler entre eux, y projette son ombre à l’échelle des personnages, entrant dans la scène et en perturbant le déroulement pour les autres. Là aussi, on est cerné de chaises d’école dépareillées, sagement rangées (des lignes chez Colomer, pas de cercle, pas de cénacle, on est là pour regarder, pas pour palabrer) et parfois n’offrant qu’un spectacle sur l’envers.

Ses maquettes (Anarchitekton) sont la partie la plus connue de son travail, remise en question de l’architecture où maquette réelle, maquette à l’écran et immeuble à l’écran se répondent, posant là encore la question de notre propre place dans l’espace. La salle où les quatre films (Barcelone, Brasilia, Bucarest et Osaka) sont projetés ensemble, un sur chaque mur, est étourdissante. Par contre, les ‘simples’ projections, sans dispositif, comme ‘Papamovil’ et ‘Père Coco’ sont des mises en situation plates et un peu décevantes après tout ce parcours.

Dedans ou dehors ? C’est bien la question de l’espace du spectateur qui me semble être posée ici de manière brillante (tant par l’artiste que par le commissaire, Manuel Cirauqui), même si d’autres lectures sont tout aussi intéressantes. Lire aussi ici et ici.

Jordi Colomer étant représenté par l’ADAGP, les photos ont été ôtées du blog à la fin de l’exposition.

Xavier Le Roy au 104

L’ambition de Xavier Le Roy, dans More Mouvements für Lachenmann (curieux titre trilingue : une autre perte de repère ?) est que la musique d’Helmut Lachenmann ne soit plus seulement jouée et écoutée, mais qu’elle devienne le support d’une mise en avant du corps, assez étonnante, et qu’elle soit, de fait, regardée.

le-roy-4.1229902610.jpgMise en scène minimale, pas de décor, performeurs (musiciens devenus ‘danseurs’, plutôt que l’inverse, sans doute) sobrement habillés de noir, impassibles comme des Pierrots lunaires. Si la première pièce, Pression, pousse à l’extrême ce qu’un violoncelliste peut tirer de son instrument, c’est la seconde, Salut für Caudwell, qui est la plus accomplie.

le-roy-2.1229902440.JPGPendant que deux guitaristes jouent, cachés derrière deux paravents, deux autres acteurs, devant ces mêmes paravents, les mains nues, sans guitare, font, présumons-nous, exactement les mêmes gestes que leurs partenaires sonores mais invisibles. On applaudit d’abord la prouesse technique, le show d’une version sérieuse et classique d’air guitar en quelque sorte, et on se demande ce qu’il peut bien y avoir sur leurs partitions : des notes, des indications de gestes, ou rien du tout ? Puis on est fasciné par la séparation de l’image et du son (on peut penser à Pierre Bismuth), par la concordance et par les dérapages. le-roy-3.1229902589.jpgParfois les gestes se gèlent, mais la musique continue; parfois les gestes deviennent frénétiques alors que la musique suit son train; parfois, au lieu de sa guitare imaginaire, un des danseurs gratte son crâne ou sa cuisse. Le corps est devenu un instrument. Pourquoi Caudwell (communiste anglais, combattant des Brigades Internationales) ?

Après ce morceau, le troisième, Gran Torso, avec huit acteurs (danseurs ? performeurs ? musiciens ? on ne sait quel mot choisir) est plus complexe, plus organisé, avec des jeux de silence, des jeux de regards. Certes l’attention se dissipe un peu dans ce morceau, où on peut ne pas complètement retrouver la magie du précédent. Mais cette pièce situe clairement Xavier Le Roy parmi les plus innovateurs, les plus réflexifs des chorégraphes d’aujourd’hui.

Photo 1 provenant d’une performance à Essen en septembre 2007. Photo 2 prise de loin et vite par l’auteur au 104. Photo 3 provenant du site du 104.

Skate, danse et grâce

Certes il fallait aller samedi dernier, jusqu’à cet endroit improbable qu’est la Halle de Skate de Villiers sur Orge, certes il était bon de s’intéresser un peu aux performances des skateurs, d’ailleurs très doués, certes il faisait un peu froid, mais on était bien récompensés, pour peu que, comme moi, on s’intéresse au travail des gens d’Uterpan, car on pouvait alors voir cette rareté, une performance de leur pièce matrice, X-Event 1, d’où sont issus la plupart des protocoles présentés aileurs depuis.

C’est un condensé rapide et nerveux de ce qu’ils ont ensuite développé, avec la même énergie physique et psychique, la même recherche des limites, la même tension. Les spectateurs y semblent toutefois davantage tenus à distance, en particulier du fait de la présence de cette croix au sol sur laquelle se passe l’essentiel de l’action. Le visage inexpressif, les danseurs courent, chutent, se dévisagent, virent, se heurtent.

Voici en particulier la fin du spectacle, amorce du protocole des chutes, où les danseurs presque nus se poussent violemment les uns les autres, tombant désespérément au sol, puis se relevant nerveusement et recommençant ce ballet incessant d’agression non feinte, jusqu’à un quasi épuisement, une frontière infranchissable.   

https://dailymotion.com/video/k7IkHmfUV5B8XaSuog&related=1

https://dailymotion.com/video/x7qcjg_gens-duterpan-2-xevent-1-halle-de-ska_creation

Gens d’Uterpan, X-Event 1, Halle de Skate, 13/12/2008

Ma surprise est venue de cet intermède gracieux, sinueux, longiligne, ondulant où, entre baisers et morsures, les danseurs naviguent dans une séduction feinte, au son d’une musique lancinante. C’est une émergence de la grâce, certes surjouée, hyper-expressive, une irruption soudaine, inattendue et qui semble n’avoir pas eu de  dont je ne connaissais pas la suite (La Vague).

https://dailymotion.com/video/k7awNF6sVnndt4SupC&related=1

https://dailymotion.com/video/x7qch4_gens-duterpan-xevent-1-halle-de-ska_creation

Gens d’Uterpan 2, X-Event 1, Halle de Skate, 13/12/2008

Vidéos de l’auteur.