Sommaire de septembre 2009

14 billets ce mois-ci.

2030 visiteurs uniques en moyenne par jour.

 9 septembre  : La terre a tremblé (Alberto Burri)
10 septembre : Le château enchanté de l’amoureux éconduit (Filippo Bentivegna)
14 septembre : Mafia et sculptures
15 septembre : Contemporanéité sicilienne
16 septembre : Docks d’abord
17 septembre : Biennale de Lyon
18 septembre : Traboules (Veronica Gomez)
20 septembre : Versos (Philippe Gronon)
21 septembre : Faire et défaire (Simon Starling)
22 septembre : Enfin, je fais ce que je peux (Renoir)
24 septembre : Revue de rentrée
25 septembre : Les étranges photos de Vera Lutter*
29 septembre : Sully, c’est fini (Denise Colomb aux Antilles)
30 septembre : Les Abattoirs (Printemps de Septembre 1)

  • billet le plus lu, avec 2822 visites.

Les Abattoirs (Printemps de Septembre 1)

2009-09-toulouse081.1254350071.JPGCe Printemps de Septembre (jusqu’au 18 octobre) est particulièrement réussi. Non qu’un discours thématique fort unisse les œuvres présentées (que signifie donc ‘Là où je suis n’existe pas’, sinon un pied de nez à la logique un peu attrape-tout), et le commissaire Christian Bernard n’y prétend nullement, mais parce que la trentaine de lieux concernés (un peu trop dispersés pour le visiteur de passage, je n’en ai vu que 18, et l’Espace Saint-Cyprien était stupidement et bureaucratiquement fermé le week-end d’ouverture) présentent pour beaucoup des travaux de qualité appuyés par un excellent discours curatorial. Mon seul reproche sur l’ensemble est dû au fait que le directeur du MAMCO a amené dans ses valises un tiers ou presque d’artistes suisses : certains sont excellents (ainsi les dessins de Didier Rittener à  la Galerie Sollertis), mais pour beaucoup, on se demande un peu ce qu’ils font là : Christian Floquet (galerie Jacques Girard) peint comme dans les années 50, Patrick Weidmann s’est reconverti comme expert en bimbos, Pierre Vadi fait dans la grandiloquence creuse et les vidéos de voyage de Marianne Müller sur écran dédoublé lassent au bout de quelques minutes. Ce passage obligé ne convainc pas.

2009-09-toulouse064.1254349988.JPGVenons en donc aux réussites. La plus grande est sans contexte le travail curatorial fait aux Abattoirs dans « Sept pièces faciles » ; il faut regarder avec dérision le sempiternel squelette d’Abdessemed, plagié sur Brian Jungen, témoignage triste d’un artiste incapable de se renouveler, passer vite devant la structure de Tobias Putrih où la projection de films est inconfortable au possible, et passer tout le temps nécessaire dans les salles latérales. Trop souvent, les commissaires d’exposition font des rapprochements hasardeux, ésotériques, tirés par les cheveux entre des œuvres 2009-09-toulouse084.1254349916.JPGqu’ils tentent désespérément de relier entre elles. Ici, au contraire, les rapprochements sont simples, ‘faciles’ et lumineux. Une des alcôves met face à face l’atelier de Rauschenberg et celui de Pascal Pinaud, deux images de création en miroir dévoilant l’ordinaire, le matériel, le technique, et aussi les images qui habit(ai)ent l’un et l’autre. Une autre, à partir d’un On Kawara de 1966, montre d’autres œuvres de cette année là (Dan Flavin, Philippe Thomas, Rémy Zaugg et bien d’autres) et interroge sur la temporalité de la création, son actualité et sa permanence. Une troisième établit des correspondances souterraines autour d’un Cézanne absent, La Maison du Pendu. Gabriele di Matteo est présent dans deux salles, l’une avec une série de portraits dramatiques de Borges face à un mur de miroirs agrémentée d’une fillette nue (Gertsch, je crois), allégorie du désir regardant ; l’autre est un mur de tableaux du ‘Maître des vagues’, personnage réel ou fictif qui recopie soigneusement des clairs de lune maritimes, composant ainsi une ‘meta-œuvre’ face aux puzzles artistiques de Colin-Thiébaut. 2009-09-toulouse062.1254349965.JPGEt la salle la plus splendide est sous le thème des constellations, avec une photographie céleste de Thomas Ruff (18h24) dominant un jeu de dés de Robert Filliou, dés dont toutes les faces portent le chiffre 1 (Eins, Un, One) et qui jamais n’aboliront le hasard. Mon seul regret est qu’un mini catalogue n’ait pas été édité juste pour ces sept exercices d’accrochage afin que nous puissions jouir longtemps de ces appariements et des textes fins et séduisants qui les accompagnent.

2009-09-toulouse082.1254350283.JPGPlus bas, on est, ou non, attiré par le travail de Cosima von Bonin, puis on découvre l’installation de Jim Shaw face au rideau de Picasso (La dépouille du Minotaure en costume d’Arlequin) et à un autre rideau, inédit paraît-il, de Dali, The Three-Cornered Hat. La pièce de Shaw, titrée Labyrinth : I dreamed I was taller than Jonathan Borofsky, est un assemblage baroque de décors en bois, plutôt baroque et grand-guignolesque. Il y a des sacs de dollars au sol, 2009-09-toulouse080.1254350055.JPGdes foules aspirées, dominées, écrasées. Je ne sais pas trop comment était le travail de Borofsky et je crois que j’aurais préféré découvrir le Dali tranquillement, plutôt que d’avoir à naviguer dans ce labyrinthe. Sans doute les salles du rez-de-chaussée ont-elles mis la barre trop haut pour que j’apprécie ensuite ce brouhaha dont je ne suis pas certain de percevoir la cohérence avec l’un ou l’autre rideau ; mais il y a de jolis détails, comme cet homme au fagot en feu sur un fond de papier peint décrépit, voisinant avec Kilroy, le signe des soldats de l’armée de Pershing (en haut).

2009-09-toulouse034c.1254350301.JPGA l’étage, dans les collections permanentes, une étonnante installation poétique, graphique et murale de Serge Pey sur la Vénus Hottentote fait pendant aux photos d’adolescents au corps peint des peuples de l’Omo, par Hans Silvester : notre regard sur l’exotisme a-t-il vraiment changé en deux siècles ? Sur le corps de ces jeunes hommes, les motifs le plus souvent géométriques et répétitifs se marient parfois aux scarifications ; j’ai aimé celui où ils font écho aux cannelures du chargeur de Kalach et un autre où la bande claire allant du bras au sexe dessine une étrange carte sur le corps.

Voilà pour les Abattoirs ; il reste bien d’autres lieux à voir. Une mention rapide de deux spectacles qui n’ont eu lieu que le premier week-end : ‘Not about Everything’, où le jeune danseur / performeur Daniel Linehan tourne inlassablement sur lui-même pendant plus de 30 minutes en récitant un texte (en anglais) qui exprime bien la perplexité du spectateur : sommes-nous surtout fascinés par l’exploit physique et mémoriel ? que retirons-nous de cette performance ? de quoi s’agit-il ? L’autre spectacle, ‘Parlement’, de Joris Lacoste, met en scène pendant une heure, une comédienne, Emmanuelle Lafon, qui enchaîne des tons de parole typés et divers : le répondeur téléphonique, la météo marine, le commissaire-priseur, le prêche, etc. C’est d’une grande virtuosité, et c’est surtout un travail sur le langage, sur la manière dont la voix l’exprime, qui est fascinant et dont on ne se lasse pas.

Photos de l’auteur.

Sully, c’est fini (Denise Colomb aux Antilles)

2009-09-toulouse003.1254225345.JPGC’est la dernière exposition du Jeu de Paume à l’Hôtel de Sully, que les Monuments Historiques récupèrent; nous aurons désormais davantage d’expositions ‘hors les murs’. Cette dernière exposition (jusqu’au 27 décembre) est consacrée au travail antillais de Denise Colomb, qu’on connaît davantage comme portraitiste d’artistes. Cette grande bourgeoise, soeur du galeriste Pierre Loeb, achète son premier appareil photographique à 33 ans, en 1935, à Port-Saïd, en route pour le Viet-Nam, où son mari polytechnicien a été nommé. Il n’est sans doute pas indifférent que, dès le début, sa photographie soit placée sous le signe de l’ambiguïté coloniale, voire alors impériale.

colombm.1254225220.jpgAimé Césaire, découvrant plus tard ses photos d’Indochine, lui demande de porter le même regard sur la Martinique. Elle fera trois séjours aux Antilles, le premier en 1948 à l’invitation de Césaire, pour le centenaire de l’abolition définitive de l’esclavage, et c’est peut-être là le premier reportage de l’histoire de la photographie sur le Tiers-Monde, mêlant exotisme et misère. Ses photographies sur les conditions de vie des Antillais (à la Martinique, mais aussi en Guadeloupe et à Haïti) colomb4.1254225194.jpgmêlent l’attrait qu’elle éprouve visiblement pour la joie, la sensualité, le sens de la fête des Antillais et la découverte étonnée, voire ingénue, de leurs conditions de vie misérables. Ses photos, classiquement humanistes, montrent mais ne dénoncent pas; elles accompagnent un article très violent de Césaire dans la revue Regards en 1950, mais elles-mêmes sont plus empreintes de bons sentiments que de révolte.

Denise Colomb retourne en 1958 aux Antilles pour une commande de la Compagnie Transatlantique pour la promotion de ses croisières. Alors qu’on pourrait attendre cette fois des images touristiques banales, elle se tient encore à mi-distance de l’exotisme touristique et du reportage social sentimental, si bien que certaines des images peuvent difficilement être datées de l’un ou l’autre voyage par un oeil non averti. 2009-09-toulouse001.1254225332.JPGElle réalise alors aussi des diapositives en couleur, qui lui serviront à animer des conférences en France; dans une de ces conférences, elle déclare « La misère s’exprime mal en couleur. Si la couleur est jolie, elle convertit une triste vérité en un décor de théâtre pour une pièce vériste; cela sonne faux ». Mais dans ces photographies couleur, rarement montrèes et projetées ici tout au fond de l’exposition, on saisit soudain, au milieu d’honnêtes images touristiques, une pose, un regard, un jeu de lumière qui, aussitôt, donnent une autre profondeur à l’image. Son troisième voyage, à 91 ans, n’est illustré ici que par quelques photos botaniques.

Cette hésitation entre photographie exotique et photographie sociale, ce balancement entre humanisme et colombl.1254225208.jpgrévolution, laissent le spectateur un peu sur sa faim, même s’il admire le talent de la portraitiste; ses photos resserrées sur des enfants ou des femmes antillaises sont plus denses que ses plans larges ou ses paysages. Certaines de ses vues en plongée, avec un jeu d’ombres complexes, sont aussi des chefs d’oeuvre de composition.

Enfin, la découverte de l’exposition vient d’un accident de développement colombs.1254225235.jpgsurvenu en 1948, lorsqu’une craquelure de la gélatine crée un réseau aléatoire à la surface du film. On regarde alors la surface de la matière photographique tout autant que son sujet, c’est comme un voile, une cartographie, une répétition de motifs géométriques irréguliers. Parfois ceux-ci se combinent avec les motifs d’une robe créole et on ne sait plus très bien ce qui est réel et ce qui est artificiel, fruit de l’accident et de l’expérimentation. 

Photos noir & blanc courtoisie du Jeu de Paume. © Ministère de la Culture – Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN  

Les étranges photos de Vera Lutter

Vera Lutter, à la galerie Xippas (jusqu’au 24 octobre) mérite d’être mieux connue en France. Elle réalise des photos camera obscura de très grand format, la chambre étant en fait un caisson ou un conteneurainer placé in situ et la photographie finale étant aux dimensions mêmes de cette chambre. Le container est positionné devant des paysages urbains ou industriels, l’objectif reste ouvert du matin au soir, et l’image ainsi impressionnée est révélée en général chaque soir. L’artiste se trouve dans le container, observant la lumière qui impressionne le film, réglant la luminosité et prenant des pages et des pages de notes sur son expérience : on pourrait s’approcher de la performance, mais ces notes, jusqu’ici, restent confidentielles, ne sont pas exposées, et le travail de Vera Lutter se veut photographique avant d’être conceptuel.

Ces paysages sont désertés, bien sûr, l’homme est trop rapide, trop transitoire pour impressionner la pellicule, mais on voit parfois l’empreinte d’une voiture déplacée pendant la journée et dont l’image double ne masque pas le fond (Uferstrasse, Basel II, 12-14 janvier 2001, en haut). C’est un travail d’une grande rigueur méthodique, axé sur l’architecture, sur les ports, sur les chantiers; il y a aussi une photo de Venise inondée dans l’exposition, avec ce splendide premier plan lumineux, mais la vue est trop connue, on n’éprouve pas devant le Ca del Duca (Venise, XA, 8 décembre 2007) le même sentiment de découverte de l’envers que face à un paysage urbain moderne et impersonnel.

Les arbres immobiles les jours sans vent dessinent un réseau capillaire sur l’image qui lui confère un charme onirique, contribuant à cette découverte de l’envers du décor, du négatif révélateur de poésie fantôme (Gramercy Park III, printemps 1995). A partir d’un procédé technique à la fois monstrueux et hyper-simple, Vera Lutter non seulement nous offre des images d’étrangeté, mais elle nous aide à remettre en question l’essence même de la photographie représentation du réel.

Allez aussi voir (mais il ne reste plus qu’un jour) les très belles photos de Mikael Levin depuis sa fenêtre, à la galerie Peyroulet.

Photos courtoisie Galerie Xippas. Vera Lutter étant représentée par l’ADAGP, les photos ont été ôtées du blog à la fin de l’exposition.

Revue de rentrée

2009-09-rentree048b.1253831176.JPGQuelques expos de rentrée parisienne en galeries, un peu en vrac.

C’est toujours un plaisir de revoir le travail de Patrick van Caeckenbergh à la galerie In 2009-09-rentree045.1253831124.JPGSitu / Fabienne Leclerc (jusqu’au 24 octobre), il y a, à des échelles différentes, certaines des pièces vues à la Maison Rouge, une encyclopédie autodidactique en accordéon et un savoir du monde en château de cartes / pyramide. 2009-09-rentree049b.1253831195.JPGDes personnages illustres composent une collection de coeurs brodés et un empilement de cloches de verre est entouré de photos de voûtes, comme un écho des mêmes formes. Une alcôve close de paravents décline sur une face l’histoire 2009-09-rentree047.1253831156.JPGd’Ésope cependant que la face interne montre des animaux supposés ennemis comme chien et chat mais jouant ensemble (en haut) : une remise en cause de l’échelle de prédation affichée plus loin, qui mange qui ? Le travail de Caeckenbergh joue sur l’hybridité et le rêve, la place ambigüe de l’homme sur terre et l’ambivalence de la science et de l’art.

2009-09-rentree039.1253831562.JPGIsabelle Gounod présente (jusqu’au 24 octobre) le jeune Wilson Trouvé, dont les pièces sont basées sur la fusion d’éléments somme toute banalsux pour en faire des sculptures déconcertantes. Cette tour crénelée vue de près se révèle être un assemblage multicolore de Legos soigneusement empilés mais le feu a fait ses ravages 2009-09-rentree041b.1253831602.JPGaux étages supérieurs, amollissant les formes, décapant les couleurs et créant ainsi des nouveaux motifs improbables. D’autres s’assemblent en cube ou en triangle, mais toujours les formes élémentaires sont malmenées, rendues ‘informes’ et détournées. Sur le mur du fond, c’est un sommier métallique qui sert de support aux 2009-09-rentree040.1253831583.JPGcubes de plastique noir que la chaleur a rendus mous et collants : c’est une partition musicale injouable, ou le gril de Saint Etienne Laurent avec ses chairs calcinées en relique. Au premier abord plaisant et décoratif, c’est en fait un travail dans la droite ligne du minimalisme, mais d’un minimalisme corrigé par des forces chtoniennes, adouci par le feu originel.

2009-09-rentree043.1253831943.JPGJe veux encore citer Ugo Rondinone (très présent à Paris cet automne) chez Almine Rech (jusqu’au 15 octobre) avec de grandes portes noires antiques fort impressionnantes, et hobb61.1253831956.jpgZoulikha Bouabdellah à LA BANK (jusqu’au 31 octobre) qui prête à la calligraphie du mot amour (Hobb) en arabe des postures anthropomorphes rouges et noires conjuguées, passion et néant, dont le jeu de diapositives au sous-sol de la galerie éclaire la chorégraphie avec érotisme.

light-2-small.1253832144.jpgEnfin, le curateur Christian Alandete a eu la bonne idée de rassembler à la galerie Kamchatka (jusqu’au 17 octobre) Rachel Labastie et Nicolas Delprat, couple à la ville, mais, jusqu’à présent, pas à la scène en réunissant leur travail sur le thème de la disparition du corps. Les toiles de Nicolas Delprat (Zones) sont des grillages infranchissables derrière lesquels apparaissent des phares livides qui entraves-1-small.1253832163.jpgn’éclairent que nous : zones interdites, menaces diffuses, attrait et peur de l’inconnu, de la transgression, du franchissement dans un univers désert et inhumain, où on se sent à la merci d’une mort robotisée : de quel côté sommes-nous ? A cette dangereuse absence d’hommes dont on ne sait rien sinon les lumières qu’ils émettent, Rachel Labastie répond par l’empreinte en creux du corps des hommes, non point corps érotisé ou sensuel, mais corps d’esclaves, corps de prisonniers, corps entravés, enchaînés, contrôlés. sculpture-video-rachel-labastie.1253832181.jpgCorps disparus depuis longtemps, mais dont restent ces traces, ces empreintes, comme si ces chaînes étaient encore habitées par les fantômes de l’horreur (Entraves). Une autre pièce de Rachel Labastie, qu’il faut mériter en se contorsionnant à quatre pattes pour entrevoir la paroi d’un puits, montre un corps, le sien sans doute, qu’on croit apercevoir, saisir au moins par le regard, par la pensée comme pour nourrir nos rêves, mais qui s’échappe, se dilue en fumée, s’évanouit, insaisissable (Sculpture).

Quant à ma visite de Versailles, je ne vous en dirai rien, n’ayant guère de goût à gloser sur le superficiel. 

Enfin, je fais ce que je peux.

la-source.1253658473.jpgPour être franc, je n’ai jamais été fou de Renoir, je l’ai respecté certes, mais pas vraiment aimé. Je n’ai guère d’attrait pour son idéal de beauté féminine, ronde, plantureuse et hébétée, pour ses nus et ses portraits où tout est dans la forme, le rendu, la beauté apparente et où rien ou presque ne transparaît de la vérité du personnage. Regardez La Source, et, au delà de la beauté des formes luxuriantes du modèle, tentez vainement de saisir une ombre d’intelligence, de personnalité, de distinction. Allez voir le portrait de Christine Lerolle, femme charmante par ailleurs, et méditez sur sa placidité bovine et soumise. Même la sulfureuse Misia Sert ci-dessous a l’air chez Renoir d’une sage petite poupée.portrait51.1253658518.jpg

Ce peintre n’est guère un homme de son temps; à l’heure où le monde gronde, lui ne se préoccupe que de décoration, d’embellissement (« égayer les murs »), sourd à tout ce qui n’est pas sa peinture. Impressionniste et féru des classiques, il est pourtant présenté dans l’exposition actuelle du Grand Palais (jusqu’au 4 janvier) qui montre son travail au XXème siècle (en fait de 1890 à 1919) comme un annonciateur de la modernité. Autant, pour moi, Cézanne ou Rodin sont de vrais précurseurs de l’art du XXème siècle, autant je dois dire que je n’ai pas été très convaincu par la démonstration : même si Renoir a vécu les 19 premières années du siècle, il est resté dans un classicisme, une tradition qui regardent vers le passé, vers l’antiquité, la Renaissance, le XVIIIème français, mais qui n’annoncent en rien ce qui se passe déjà en peinture à ce moment et ce qui va suivre.renoir-pierre-auguste-autoportrait1.1253658504.jpg Il n’invente plus guère; je n’imagine pas Picasso (dont quelques toiles alibis jalonnent l’exposition) ou Bonnard (idem) ou quiconque dire, comme lui : « J’ai 50 ans sonnés depuis 4 jours et si, à cet âge, je cherche encore, c’est un peu vieux. Enfin, je fais ce que je peux. » Un extrait bien triste d’un film de Sacha Guitry de 1915 (Renoir a 74 ans) le montre les mains déformées par l’arthrose et ayant les plus grandes difficultés à tenir un pinceau, mais essayant quand même; j’ai alors pensé à Matisse qui, handicapé par la maladie, tout aussi incapable de peindre, invente alors de nouvelles pratiques et réalise de superbes collages. Renoir a peint très peu d’autoportraits (cinq, je crois) et l’Autoportrait de 1899 qui est présent dans l’exposition est une des toiles les plus prenantes, non pas tant parce qu’on a du mal à réaliser que ce vieillard n’a que 58 ans (et, paraît-il, Julie Maonet, la fille de Berthe Morisot et nièce du peintre, le convainquit-elle d’atténuer les marques de l’âge) mais surtout parce que c’est un des rares tableaux où la vérité du modèle ressort, où on peut lire derrière les traits usés quelque chose de sa personnalité, de sa force et de son acuité.

bonnardlalogeo1.1253658459.jpg mme-bernheim-et-son-fils.1253658489.jpg

Pour moi, le choc est survenu quand j’ai vu côte à côte La Loge de Bonnard (1908) et deux Renoir de 1910 ‘M et Mme Gaston Bernheim de Villers’ et surtout Mme Josse Bernheim Jeune et son fils Henry. Ce sont les mêmes personnages, les deux frères Bernheim, Josse et Gaston, et leurs femmes, les soeurs Mathilde et Suzanne Adler. Renoir les peint assis dans leurs salons, Bonnard les regroupe dans une loge de théâtre au drapé rouge dramatique; les poses chez Renoir sont directes et classiques, alors que Bonnard compose une scène contrastant les deux couples et faisant sortir du cadre la tête de Josse. Mais c’est la différence de touche qui m’a frappé : celle de Renoir est franche, directe, elle respecte le dessin, elle est évidemment classique, alors que celle de Bonnard est indécise, subtile, évanescente, mystérieuse. Bonnard, né 26 ans après Renoir, est déjà un peintre du XXème siècle; Renoir reste un classique, un grand classique sans nul doute, mais un classique.

Cette exposition est l’occasion de voir de superbes Renoir; pour ce qui est de sa modernité et de son appartenance au XXème siècle, je n’ai pas été convaincu. Un des livres relatifs à l’exposition (à 18.05 euros) est disponible chez Dessin Original, ainsi que le catalogue.

Photos 1 et 5 courtoisie de la RMN.

Faire et défaire

starling006.1253541408.JPGSimon Starling a obtenu le Turner Prize il y a quelques années avec une installation / performance d’une redoutable simplicité : ayant bâti une bicoque en bois au bord de la Tamise, il la détruit et construit un bateau avec ses éléments, vogue sur le fleuve, s’arrête plus bas, détruit son bateau et reconstruit une cabane identique à la première. Au delà de l’effet de récupération à la Robinson Crusoé, c’est un travail sur l’économie des moyens, la transformation et la transmission d’information d’une forme à une autre. L’exposition actuelle au MAC / VAL (jusqu’au 27 décembre), ThereHereThenThere, décline ces mêmes approches sur différents objets.

starling007.1253541424.JPGStarling s’intéresse à la matière même, aux atomes de matière contenus dans les objets et au détournement de leur utilisation. A partir du platine contenu dans une photographie, il génère de l’électricité qui, en retour, va éclairer une photo de la même série. Prélevant une partie d’une photographie aux sels d’argent représentant une sculpture d’Henry Moore, il en extrait une molécule de bromure d’argent, qu’il agrandit des millions de fois et transforme en sculpture (en haut), étonnamment similaire à une oeuvre de Moore, lui-même adepte des formes naturelles : comme si une parenté, une vérité intrinsèque se dissimulait au niveau atomique tout au fond de l’objet initial (Silver particle / Bronze, after Henry Moore).

simon21.1253541459.jpgUne chaise Eames et un vélo Sausalito ayant des quantités d’aluminium équivalentes, Starling fond le vélo et à partir de l’aluminium obtenu crée une ‘fausse’ chaise Eames; de même, il fond la chaise originale et crée avec son aluminium un ‘faux’ vélo Sausalito. C’est une transmutation laborieuse, où la vérité de l’objet est questionnée, où la mémoire des atomes est détournée (Work, Made-ready).

flaga_04.1253541386.jpgAvec ThreeWhiteDesks (vu à la Triennale de Londres), Starling joue sur la transmission de l’information et sa déformation, comme dans un jeu de ‘Chinese whispers’: plusieurs ébénistes aux quatre coins du globe réalisent un bureau l’un après l’autre sur la base d’informations parcellaires (photo floue, dessin sommaire) transmises d’un ébéniste à l’autre. Sa pièce la plus forte, et celle qui traduit le mieux les flux d’information et de matière dans le monde contemporain est Flaga : la production de la Fiat 126 a été transférée de Turin en Pologne, délocalisation oblige. Starling achète une Fiat 126 turinoise et la conduit jusqu’en Pologne; là-bas, il change plusieurs des éléments d’origine avec des pièces made in Poland, puis il ramène la voiture à Turin. Elle est accrochée au mur, comme un drapeau du nouveau monde économique, comme un témoignage des transformations forcées que l’artiste révèle.

starling1.1253541440.jpgIl faut aussi aller voir, à la Fondation Kadist qui expose quelques pièces de sa collection jusqu’au 8 novembre, les diapositives de Autoxylopyrocycloboros : Starling, ayant récupéré une épave de canot, y installe une chaudière à vapeur fonctionnant au bois. Pour avancer, il faut brûler petit à petit le bateau, jusqu’à ce que, démembré, il coule. C’est une pièce sur le phénix, sur l’autodestruction indispensable au progrès; elle avait été précédemment montrée au MAC / VAL où un travail actuellement exposé, basé sur la même absurdité écologique, l’évoque aussi : Transestérification, de Michel de Broin, une voiture se nourrissant de la graisse liposucée à son conducteur.

Un autre volet du travail de Simon Starling est montré sous le même titre au Parc Saint-Léger jusqu’au 20 décembre, mais je ne l’ai pas (encore) vu.

Sinon, au MAC / VAL, jetez un oeil aux dessins de Bernard Moninot, dessins qu’une brindille agitée par le vent a inscrits sur une plaque au noir de fumée : c’est charmant, écologique, mais terriblement répétitif. Pour avancer l’idée de la nature comme dessinateur, le concept suffisait, me semble-t-il, et point n’était besoin de cette pesante démonstration (La mémoire du vent 2003. Installation dessin de lumière. Jardin botanique de Genève. Photo André Morin).

Photos 1 et 2 de l’auteur; photos 4 et 6 courtoisie du MAC/VAL. Moninot étant représenté par l’ADAGP, la photo de son oeuvre a été retirée du blog à la fin de l’exposition. 

Versos

C’est ce que vous et moi, quel que soit le nombre de tableaux que nous regardons, ne voyons jamais, c’est l’envers du tableau, comme une autre histoire de la peinture. On y lit les traces de la vie du tableau, son titre, parfois de la main de l’artiste, parfois la signature de celui-ci, mais parfois aucun signe évident ne nous dit de qui ou de quoi il s’agit, il faut alors déchiffrer les bordereaux, décrypter les mentions d’inventaire pour identifier le peintre et son oeuvre. On voit surtout les traces des itinérances du tableau, des collections auxquelles il a appartenu, des expositions auxquelles il a pris part, des transporteurs qui l’ont pris en charge. On voit la matière, bien sûr, toile, carton, bois ou métal, on voit le cadre, mais surtout on voit la vie secrète du tableau. On interroge les détails les plus ténus et en même temps on questionne vainement l’objet dans son ensemble, au delà de la fausse façade qu’il nous présente, pour tenter de visualiser l’autre, la vraie, le recto.

Il est pertinent que le photographe qui nous présente ces Versos, tous pris à la chambre à l’échelle 1, soit un adepte austère des formes frontales, brutes et hors contexte. Philippe Gronon est connu pour ses séries de tableaux noirs, de catalogues, de châssis photographiques et de pierres lithographiques, tous objets qui tournent autour de la représentation sans jamais l’affronter directement, médiums d’enregistrement, d’archivage, de collationnement ou de communication, vecteurs plutôt que signes.

Trois images pour illustrer cette série, à la Galerie Verney-Carron à Lyon (jusqu’au 26 novembre) à 100 mètres de la Biennale (Sucrière) : d’abord une simple signature lumineuse et rien d’autre, celle d’On Kawara (Verso n°24, « Today- série n°7, On Kawara, 2008, Collection Mamac, Nice » Dim. 43 x 53 cm Technique: épreuve pigmentaire). Ensuite Victor Brauner qui dessine au revers, offrant un maigre poisson à notre frustration visuelle (Verso n°37, « Amour propulsateur, Victor Brauner, 2009, Collection du musée d’art moderne de Saint-Etienne » Dim 61,5 par 67,5 cm Technique : épreuve pigmentaire) (page 15). Enfin, un verso didactique en l’honneur de Michel-Ange, portraituré au recto (Verso n° 32, « Portrait de Michel Ange, Bugiardini Giuliano, 2009, Collection du musée du Louvre » Dim 85 x 74 cm Technique : épreuve pigmentaire). Et, ce que Gronon ne fait jamais, les rectos sont au bout des liens pour deux des tableaux (à vous d’imaginer le Kawara).

Photos courtoisie Galerie Verney-Carron. Philippe Gronon étant représenté par l’ADAGP, les photos ont été retirées à la fin de l’exposition, mais des pièces similaires restent visibles sur le site de l’artisteLa série entière sera montrée au Musée de Nantes dans un an.

gisbrechts-3.1263223620.jpgPS le 11 janvier 2010 : Le peintre Cornelis Norbertus Gijsbrechts peignait en trompe l’oeil l’envers des tableaux à la fin du XVIIème siècle. Ci-contre un tableau de 1670 conservé au Statens Museum for Kunst de Copenhague. J’attends impatiemment que Philippe Gronon photographie l’envers d’un tableau de Gisbrecht : l’envers d’un envers…

Traboules

2009-09-rentree011.1253269922.JPGÀ Lyon et à Saint-Étienne, une traboule, c’est un passage entre deux rues à travers les immeubles, non point un beau passage benjaminien avec boutiques et verrière, mais une série de couloirs sinueux plus ou moins obscurs en enfilade, débouchant sur des cours intérieures, des arrière-boutiques ou des loges de concierge. Même si le digicode en a tué beaucoup, les traboules restent un espace de liberté, entre public et privé, entre exposé et intime, et donc un refuge pour chenapans en école buissonnière et amoureux voulant échapper aux regards.

C’est donc dans une traboule que Verónica Gómez doit trouver l’amour, c’est ce qu’une voyante (ou un ‘fortune cookie’) lui a prédit. Son installation est la plus attrayante de l’exposition Rendez-vous 09 à l’IAC à Villeurbanne (jusqu’au 29 novembre). 2009-09-rentree012.1253269941.JPGOn accède par un long couloir sombre à une chambre de parfaite jeune fille romantique, moquette rouge, lumière douce, vêtements en désordre, lit défait, journal intime ouvert sur le bureau, rose fanée dans un vase, Emma de Jane Austen sur la table de chevet. Une mélodie triste d’Erik Satie (Vexations, 1893) contribue à la mélancolie ambiante. La jeune fille cherche l’amour dans les traboules lyonnaises et ne le trouve pas; en attendant, elle dessine. Verónica Gómez écrit un livre dans l’espace, dans une mise en scène très méticuleuse et nous sommes come des détectives tentant de déchiffrer cette histoire, de reconstruire ces indices. L’oeuvre est aussi pour nous un labyrinthe, une traboule (The Impossible Appointment).

Dans l’exposition, qui comprend vingt artistes, j’ai aussi remarqué le papier peint de Botto e Bruno à l’entrée, les absurdes petites vidéos désopilantes de Kuang-Yu Tsui, la montagne de papier (Kamiyama) de Charles Lopez, les dessins acides de dran et l’épurée et glaciaire installation de Bettina Sanson.

Sinon, je n’ai pu aller au Fort du Bruissin, mais on m’a dit grand bien de l’exposition là-bas. 

Biennale de Lyon

2009-09-rentree001.1253202649.JPGC’est certes un exploit d’avoir réalisé cette Biennale (jusqu’au 3 janvier) en quelques mois, au pied levé après la défection de Catherine David, et on ne peut que saluer le travail du commissaire Hou Hanru et du régisseur général Thierry Prat. Le problème est que pour faire vite, il a fallu faire simple et donc trouver un thème évident, déjà bien visité et pas trop complexe. Je n’ais pas bien compris ce que voulait dire ‘le spectacle du quotidien’ et tout le discours tenu me paraît par trop simpliste : réconcilier art et société, témoigner des changements sociaux, etc. (voir la diatribe d’Anne Malherbe). Passe encore pour le discours, mais un bon nombre des pièces présentées ici sont pleines de bons sentiments, mais manquent cruellement de distance ou de profondeur. Qu’un artiste (Carlos Motta) interroge des passants pour leur demander ce que signifie le mot Démocratie pour eux, qu’un autre (Lee Mingwei) vous invite à offrir une fleur à un inconnu, qu’un troisième (Bik van der Pol) filme un ponton sur une rivière mis à disposition d’enfants des banlieues, qu’un quatrième (Yang Jiechang) vende des os humains en céramique au profit d’une association – et il y a hélas bien d’autres exemples- est démonstratif, mignon et sans grand intérêt. 2009-09-rentree036.1253202813.JPGOn peut trouver très beaux les dessins à l’encre de Laura Genz sur le collectif des sans papiers expulsés de la Bourse du Travail par le service d’ordre de la CGT (j’ai cru d’abord à un dessin de Rembrandt !), mais çà reste, à mes yeux, un travail engagé trop près du sujet pour avoir assez de densité. L’éclairage au néon d’une usine désaffectée (Entrepôt Bichat) par Pedro Cabrita Reis a aussi du mal à décoller, manquant de poids, de souffle, d’originalité.

2009-09-rentree021.1253202734.JPGD’autant plus que ces bons sentiments sociaux sont rarement le support d’une expression politique forte et structurée. Société Réaliste, Wong Hoy Cheong et Maria Thereza Alves sont parmi les seuls à poser une vraie problématique, celle du Nord et du Sud. Les premiers ont mis sur pied une fausse loterie à la Carte Verte européenne (EU Green Card Lottery), censée parodier la Green Card et inverser les flux migratoires, mais qui a été un miroir aux alouettes pour des milliers d’immigrants potentiels; un immense cylindre est tapissé de centaines de demandes de Nigérians pour cette carte, alors que sa paroi externe est un ‘planisphère’ (circulaire toutefois) où n’apparaissent que les territoires dépendant de l’UE, dont nos rares colonies insulaires (Pitcairn et Bassas da India, pour rêver un peu).

Maria Thereza Alves inverse le mythe du bon sauvage, avec un film sur une indienne tatouée débarquant de l’Amazonie profonde pour récupérer le manoir angevin de son père, hobereau local décédé. Plus subtil, Wong Hoy Cheong, fasciné par les tableaux classiques du Musée des Beaux-Arts, les réinterprète en photo avec des acteurs du Sud : voici donc, en haut de ce billet, La lecture, de Fantin-Latour.

2009-09-rentree002.1253202675.JPG2009-09-rentree010.1253202694.JPG

Sinon, ce sont les oeuvres plus distancées qui surnagent, en particulier celles où la dimension conceptuelle est forte et prend le pas sur la dialectique sociale. Ainsi Katarina Šeda fait-elle réaliser par les habitants d’un petit village allemand un dessin composite de leur village, dont les différentes étapes couvrent les murs d’une salle : l’intérêt vient bien sûr de la dimension performative de cette action, où les habitants doivent jouer une partition serrée et complexe (The spirit of Uhyst). De même la Pakistanaise Bani Abidi établit un catalogage de barrières et d’interphones, construisant ainsi tout un alphabet sécuritaire conceptuel. L’artiste le plus réjouissant de la Biennale est certainement feu George Brecht dont les vignettes et les chaises habitent ces lieux de manière lancinante et poétique; ses panneaux annoncent des ‘Events’ hypothétiques, 2009-09-rentree023.1253202750.JPGtout comme la non-performance de Dora Garcia, dont la pile de livres ‘Volez ce livre’ impose d’affronter un gardien au bras en écharpe.

Ensuite on peut éprouver la poésie douce des sculptures de Takahiro Iwasaki, déchiffrer les graffiti de Dan Perjovski, être 2009-09-rentree027.1253202779.JPGimpressionné par les tags et les déchets urbains de Barry McGee, fouler aux pieds avec jubilation les aphorismes éculés de Le Corbusier sur le linoléum de Latifa Echakhch, s’ennuyer devant les répétitions vaines d’Adel Abdessemed ou s’émerveiller devant la beauté fulgurante des rouges avalanches verbales de Tsang Kinwah (The Second Seal -Every Being That Opposes Progress Shall Be Food For You), mais l’émotion a quand même bien du mal à émerger au cours de cette visite.

2009-09-rentree028.1253202798.JPGHeureusement, il y a Agnès Varda et ses trois cabanes océaniques. L’une est faite de pellicules que a lumière traverse et que le vent agite et on y devine Piccoli et Deneuve en tout petit; une autre, montrant un de ses films, est ensablée et fleure bon la plage. La troisième présente trente hommes et trente femmes de Noirmoutier, dont les portraits se font face, les yeux dans les yeux; ces portraits reposent sur un fond de paysage îlien. C’est un travail beau et émouvant sur l’expression, la présence, le regard; seule une jeune fille détourne le regard, parlant au téléphone (La cabane aux portraits). C’est l’endroit le plus charmant de toute la Biennale, l’endroit où échapper aux discours trop formatés, aux oeuvres trop évidentes, aux artistes trop moutonniers. Allez vous y réfugier, vous y ressourcer. 

P.S. : mon voyage était un voyage de presse, invité par la Biennale
P.S. 2 (qui n’a rien à voir, bien sûr) : une exposition censurée

Photos de l’auteur. George Brecht étant représenté par l’ADAGP, la photo de son oeuvre a été retirée à la fin de l’exposition.