Sommaire de mars 2010

18 billets écrits en mars.

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1er mars: Horizons (Jan Dibbets)
2 mars   : Fille et mère de peintres (Charley Toorop)
3 mars   : Farah Atassi, peintre, indubitablement
4 mars   : Artiste à découvrir ? (Ion Bardaleanu)
5 mars   : La Fabrique des Images
7 mars   : Naomi et Rola, plutôt qu’Esther (et Jacques) (Esther Shaliv-Gerz)
8 mars   : Projection et idiorythmie (Valérie Jouve)
10 mars : Exception
11 mars : Les oeuvres qu’on n’a pas réalisées, les histoires qu’on n’a pas vécues
                (Emilie Pitoiset, Emmanuel Régent)
12 mars : Une rivière de mots (Charles Sandison)
13 mars : Ni plaisir, ni procréation : le sexe inutile ?
14 mars : Déjà vu ?
15 mars : Vierge enceinte *
19 mars : Pergola (Valentin Carron)
21 mars : Freud et l’ambivalence (Lucian Freud)**
22 mars : Sauna
29 mars : Cinq ans
30 mars : Comment faire une bonne exposition avec de la mauvaise peinture

*   billet le plus lu ce mois-ci avec 3158 visites.
** billet le plus commenté ce mois-ci (39 commentaires)

Comment faire une bonne exposition avec de la mauvaise peinture

04c.1269972139.JPGEt c’est peu dire ! La première salle de l’exposition Crime et Châtiment, au Musée d’Orsay jusqu’au 27 juin) aligne les croûtes du dix-neuvième siècle : à côté de ce splendide Prud’hon (La justice et la vengeance divine poursuivant le crime, 1815/1818), on a aussi droit à Jean-Baptiste Regnault, à Gustave Moreau (ici, avec un Caïn grandiloquent, un de ses pires tableaux), à l’extraordinaire 2010-03-expos-015c.1269972300.JPGNikolaï Gay, au Lucifer de von Stück et à quelques autres petits maîtres immortels bien sûr, avant d’arriver à une guillotine (une vraie) présentée dans la pénombre et voilée de noir : pour effrayer davantage sans doute, pour faire de l’effet. On craint le pire et on est à deux doigts de faire demi-tour.

La quasi-totalité des tableaux présentés ici sont du même acabit, traduisant l’obsession du commissaire pour cette peinture enflée, pompeuse du romantisme au symbolisme. Qu’on se restreigne au XIXème siècle, fort bien. Qu’on n’accorde (comme pour Mélancolie) qu’une portion congrue au XXème siècle dans une petite salle finale où se bousculent Magritte, Masson, Warhol et (ciel !) David Lynch, comme pour une corvée vite bâclée, passe encore : les préjugés de Jean Clair sont bien connus, et c’est tout à fait en ligne avec la nouvelle direction ‘retour à l’ordre’ du Musée d’Orsay. Mais que dans la centaine de tableaux XIXème siècle, on présente surtout des seconds couteaux, avec à peine un Courbet, un petit Cézanne, deux Rouault, deux Munch (j’avais montré ici les contre-vérités autrefois proférées par Jean Clair sur Munch;2010-03-expos-009b.1269972928.JPG son tableau la Mort de Marat, version 1906, ci-dessus, est présenté avec les autres toiles sur Charlotte Corday, alors que cette scène n’était qu’un prétexte, un motif pour Munch qui y parle de tout autre chose, ni de crime, ni de châtiment), un beau Degas certes, mais que seul un titre (Le viol) apocryphe insère dans le thème de l’exposition. Van Gogh est absent, et nous avons par contre droit à profusion à Baudry, Füssli, Signol, Prouvé, Bonnat, Vallotton et autres Steinlen, hélas. Au passage, néanmoins, une gouache étonnamment moderne de l’inconnu Marcel Louveau-Rouvergue, Sainte Pélagie (la prison où Courbet fut enfermé), avec la belle scansion des barreaux et ce soudain écartement, bien étrange.

46b.1269972529.JPGEt pourtant, c’est une bonne exposition, intelligente, argumentée, sous-tendue par une vraie réflexion, déroulant sa thématique clairement au fil des salles. Car c’est essentiellement une exposition documentaire historique et l’erreur, mon erreur, à cause du commissaire et du lieu, est de la regarder comme une exposition artistique. Vous saurez tout sur la vision du crime au XIXème siècle, avec, par exemple cette superbe tête phrénologique. 67b.1269973352.JPGVous découvrirez les couvertures des ‘Détectives’ de l’époque pour mieux saisir le regard du grand public sur le crime. Vous comprendrez le rôle de la photographie dans la documentation et la prévention du crime avec toute une salle consacrée à Bertillon (non seulement les photos d’identité, mais aussi comment photographier la scène du crime). Il y a aussi des moulages de têtes décapitées, une porte de prison véritable et une reconstitution grand-guignolesque de la Machine de la Colonie Pénitentiaire de Kafka (construite en 1975 par l’Atelier Loeb Berne pour l’Agentur für geistige Gastarbeit d’Harald Szeemann).

22b.1269972730.JPG23b.1269972816.JPGAlors, l’oeil curieux, on repasse dans les salles pour trouver ici ou là de belles accroches. Ainsi, Goya, dans les Brigands dépouillant une femme, (1798-1800) montre la victime dénudée, couvrant son visage plutôt que ses pudenda, alors que sa compagne ne semble guère se plaindre d’être lutinée par un autre brigand à l’arrière-plan : la lumière du soleil envahissant la caverne est comme une brûlure, une déchirure dans la toile. Juste en face, les Brigands romains (1831) de Charles Gleyre (encore un petit maître cher au commissaire, ineffable auteur de cette formule assénée à son éphémère élève Monet : « Rappelez-vous, jeune homme que, quand on exécute une figure, on doit toujours penser à l’antique ») infligent le même traitement à leur victime, qui, elle aussi, voile ses yeux, pas ses appâts : tableau plat et anecdotique.

2010-03-expos-017b.1269973068.JPGVoilà enfin, dans la dernière salle, le dessin anonyme de la couverture de la revue Acéphale du 24 juin 1936, revue de Klossowski et de Bataille (sans doute inspiré d’un dessin voisin d’André Masson, Tossa de Mar, 1936): cet homme sans tête, qui tient une grenade / sacré-coeur et un poignard / pique de lance, a, sous ses intestins bien visibles, un crâne à la place du sexe. Est-ce un crime ou un châtiment ? 

C’est ainsi qu’on tente de se raccrocher à quelques oeuvres pour échapper à la médiocrité des toiles présentées ici, médiocrité qui ne parvient pas, toutefois, à occulter l’intérêt de l’exposition.  

Photos 1 (Musée de l’Hôtel Sandelin à Saint-Omer, RMN, Daniel Arnaudet), 3 (Munch Museum, Oslo), 5 (Museum National d’Histoire Naturelle, Daniel Ponsard), 6, 7 (Collection du Marquis de la Romana) et 8 (Cleveland Museum of Art) courtoisie du Musée d’Orsay. Photos 2, 4, 9 et 10 de l’auteur. Edvard Munch et André Masson étant représentés par l’ADAGP, les reproductions de leurs oeuvres ont été ôtées du blog à la fin de l’exposition.

Compléments : le thème des prisons est beaucoup plus développé dans l’exposition L’impossible Photographie actuellement au Musée Carnavalet jusqu’au 4 juillet. Il y eut l’an dernier une exposition très bien faite (m’a-t-on dit) au Musée de l’Elysée à Lausanne sur la photographie des scènes de crime, Le Théâtre du Crime; vous pouvez toujours en lire le catalogue aux multiples dépliants bien sanglants.

Cinq ans

Cinq ans que ce blog existe. Démarré par hasard, sans trop savoir si je saurais, ni si j’aimerais, ni si ça intéresserait quelqu’un, il est devenu, au fil des jours, une partie importante de ma vie, de mon activité.

Je ne m’en lasse pas, même si, parfois (comme ces derniers jours), j’ai un peu moins de temps pour écrire.

Merci à tous de m’avoir accompagné toutes ces années.

Sauna

roeskens.1269288374.jpgPlutôt que de voir des vidéos devant des écrans banals dans des positions inconfortables (elles sont rarement aussi bien présentées qu’à la Maison Rouge), j’en ai vues ce week-end dans deux contextes inhabituels. D’abord chez moi, dans le cadre du Festival Vidéo Appart (quatre nouveaux appartements le week-end prochain) : outre Jean-Charles Hue (Tijuana) et Laurent Mareschal (White Line), dont je connaissais déjà le travail, j’ai beaucoup aimé Vidéocartographie : Aïda de Till Roeskens, un écran où se dessinent des signes, où se content des drames sans que jamais on ne voit les protagonistes : quand la violence est au-delà du montrable, comment la montrer ? C’est l’interrogation qui sous-tend le travail de Walid Raad et du couple Hadjithomas / Joreige; la réponse ici est plus dépouillée, plus conceptuelle, mais n’est pas moins forte : ‘la résistance à l’occupation par contournement’

miyoko-caubet.1269287731.jpgComme le dit un commentaire, le choix des vidéos et leur agencement dans l’appartement créaient une véritable expérience, légèrement déstabilisante à vrai dire. Sur la cheminée, sur un petit écran avec casque, était montrée la vidéo qui m’a le plus touché, Scene Failure de Khalil Almozayen : un ballet entre deux hommes, le geôlier tortionnaire et le prisonnier, éclats de lumière et de son, où les stigmates des sévices deviennent peinture, image de femme sur le corps de l’homme brisé.

vv3.1269287624.JPGNon content du spectacle chez moi et dans les autres appartements du circuit, je me suis retrouvé dimanche en petite tenue dans un sauna à Mains d’Oeuvres. Pauline Bastard et Ivan Argote (déjà vu à Montrouge), qui y sont en résidence, travaillent, entre autres, sur l’expérience artistique du spectateur, visiteur ou auditeur. Où voir des vidéos de manière vv4.1269287714.JPGplus intime, plus retirée du monde, tout en se délassant et en établissant un contact avec les autres spectateurs (et plus si affinités) : n’ayant pas l’audace de Christoph Büchel, ils ont opté pour une cabine de sauna, installée dans l’arrière-boutique de Mains d’Oeuvres, où l’on tient à 4 ou 5 et où, détendu, ionisé, suant à grosses gouttes et aussi à l’aise que possible au milieu des corps dénudés, on regarde des vidéos, l’écran étant sur la porte du sauna.

Le programme dure environ 15 minutes : pas de risque de crise cardiaque. Il comprend le désopilant et ambigu I’m not the girl who misses much de Pipilotti Rist, trois ‘clips’ sportifs d’Anne-Lise Ragno, Double Six de Claude Closky emerge-_-stephane-broc_0011_layer-1.1269287570.jpg et Emerge de Stéphane Broc, que je ne connaissais pas : ces deux nageurs affalés, agités de soubresauts comme des poissons asphyxiés devant un piédestal de départ de course numéroté m’a fait prolonger mon séjour dans le Sauna pour le voir et le revoir, au risque de ma vie, c’est dire. Le Sauna est là pour quelque temps, il voyagera aussi, ne manquez pas l’expérience de ce nouvel espace d’exposition. Du coup, je n’ai pas eu le temps de voir l’exposition à côté. Et si j’installais un sauna-vidéo chez moi ?

Photo 2 de Miyoko Caubet. Photos 3 et 4 de Vinciane Verguethen, courtoisie Mains d’Oeuvres. Photo 5 courtoisie Ivan Argote & Pauline Bastard et courtoisie Collection du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis.

Freud et l’ambivalence

FreudJ’ai mis longtemps à écrire ce billet sur l’exposition Lucian Freud à Pompidou (jusqu’au 19 juillet) et j’y suis retourné deux fois. Pourquoi donc ? D’abord parce que ce n’est pas de la bonne peinture. Sans aller jusqu’à l’outrance langagière des règlements de compte de certains critiques (au Monde ou dans Beaux-Arts), je ne vois pas comment on peut encore apprécier aujourd’hui ces procédés répétitifs, ces effets de perspective, cet académisme décadent, ce cabotinage (le film en fin d’expo est incroyable). Et pourtant j’avais été séduit il y a quelques années par telle ou telle toile vue dans des expositions collectives ou des collections de musée, mais la juxtaposition d’une centaine de tableaux ici est trop révélatrice.

Et pourtant j’y reviens, je reste longtemps devant ces toiles, devant ces nus monstrueux, ces murs maculés, ces tas informes de chiffons et, sans vraiment comprendre pourquoi, je ne peux m’en détacher.

C’est sans doute le grand-père qui a la réponse. Je ne m’épancherai donc pas plus longuement ici, contrairement à bien d’autres pour qui Lucian Freud est l’occasion rêvée d’un grand déballement. Et je ne montrerai nulle chair triste ici, seulement ce petit autoportrait dans un miroir ovale, coincé dans l’embrasure d’une fenêtre, acmé de cette énigme, de cette ambivalence (Interior with hand-mirror, 1967).

Catalogue

Pergola

carron1.1268992369.JPGToujours le même sentiment dubitatif face à l’argument ténu derrière l’exposition (une pergola que Le Corbusier effaça du dessin d’une de ses villas, anecdote amusante et vaine), toujours la même difficulté à saisir la cohérence de la proposition ici faite, aux liens tout aussi ténus, mais, cette fois, un des artistes de Pergola (au Palais de Tokyo jusqu’au 10 mai) sauve la mise. La force des installations de Valentin Carron est telle, on est tellement subjugué par l’intelligence et la précision rigoureuse de son travail qu’on ne pense plus aux défauts du reste.

carron2.1268992390.JPGCommençons par eux pourtant : on sourite d’abord devant la chaussure irakienne de Laith al Amiri, impact 10/10, profondeur 1/10. Les tuyaux de pneumatiques de Serge Spitzer éveillent en moi le souvenir des messages amoureux que je confiais à ces entrailles métropolitaines dans une autre ère, pré-internet, pré-mobiles, quand l’urgence de l’amour faisait qu’on ne pouvait attendre la tournée du facteur le lendemain. C’est déjà suffisant pour lui en être reconnaissant; l’absurdité du grandiose système inutile mis en place dans le hall du Palais peut faire rêver, méditer sur la vacuité du monde et du progrès ou essuyer une larme nostalgique, mais, là aussi, on ne va pas bien loin sous la surface. J’ai le même sentiment devant l’histoire du skate de Raphaël Zarka : ‘So what?’ (ou pour reprendre un slogan d’une vieille campagne présidentielle ‘Where is the beef?’ – Mondale, je crois)

carron3.1268992405.JPGFace à Charlotte Posenenske, je reste perplexe : c’est un travail épuré, rigoureux, difficile, d’une beauté formelle monastique, mais que je perçois comme détaché du monde, une oeuvre de cénobite en contemplation. La faille vient de ce que cette artiste qui déclarait ‘J’ai du mal à me résigner à l’idée que l’art ne saurait contribuer à résoudre des problèmes sociaux pressants’ cessa justement d’être artiste, arrêta complètement de produire 17 ans avant sa mort : constat sur l’inanité de l’art, son inutilité.

Valentin Carron, donc et la manière remarquable dont ses sculptures occupent l’espace de la grande salle courbe. Les sculptures sur piédestal sont encadrées par des masses murales qui séparent la pièce, qui bloquent le passage, carron4.1268992422.JPGqui contraignent la circulation et  encadrent les corps. Le mur est-il vrai, la sculpture en bronze n’est-elle pas en polystyrène, l’illusion ne règne-t-elle pas ici ? Le corps se mesure à ces masses, l’oeil construit des alignements improbables, c’est un très bel ensemble. Il y a là comme un retour à des pré-architectures anciennes, des mégalithes mystérieux, Le Groumellec peut-être, en confrontation avec des formes plus élaborées, modernistes, citant David Smith par exemple. Quel dommage toutefois de découvrir cette potacherie finale, un petit serpent dessiné au mur dans un recoin final : on se prend à douter, une influence néfaste d’un esprit des lieux malfaisant ? 

Photos de l’auteur:
Sculptures de Valentin Carron :
1. Les tristes effets de cette anarchie, 5 place de Rome, Löwenzorn
2. L’inavouable extase, Löwenzorn
3. Erde
4. Stark gefrässig nervös, Rance club IV, Löwenzorn 

Déja vu ?

fauguet.1268493616.jpgLes commentaires d’un récent billet sur Venise fantasmaient sur l’idée d’une exposition seulement composée de cartels. Les élèves du Master ‘curatorial’ de Paris 1 (eh oui, après Rennes, Paris) ont fait un pas dans cette direction en concevant l’exposition ‘Déjà Vu’ qu’ils présentent à la galerie Michel Journiac jusqu’au 19 mars. La radicalité extrême aurait été de ne pas montrer les oeuvres, ou de n’en exposer que d’humbles reproductions photographiques, cartons d’invitation ou images de magazine ou d’Internet. Ce ne fut pas leur choix et il y a bien ici des oeuvres d’art à regarder, je rassure les visiteurs.

Mais ces oeuvres sont comme dévorées par les textes qui leur sont adjoints, textes critiques savamment recueillis et assemblés ici, polyphonie parfois convergente et parfois pleine de tension. Confrontant les discours, c’est une exposition qui parle d’expositions passées et de leur réception critique. C’est une approche audacieuse, éclairante mais déroutante.

Certes l’impression visuelle des oeuvres domine; les textes de critique, encore qu’assemblés en panneaux de taille similaire aux oeuvres (à l’exception de la vidéo de Grimonprez pour laquelle les textes critiques défilent sur un petit téléviseur à côté de l’écran, dispositif cohérent mais malaisé à lire) sont des assemblages de mots sur des morceaux accolés de plastique transparent, comme flottants, manquant de réel, subordonnés. Davantage de monumentalité dans la présentation de la critique n’aurait pas nui au propos.

Les oeuvres elles-mêmes n’ont pas de cartel indiquant le nom de l’artiste : parfois, incertain, je dois lire le texte critique jusqu’à ce qu’apparaisse son nom, mais c’est un agacement assez agréable.

Il est tout à fait pertinent qu’intervienne le 18 mars dans le cadre de cette exposition Joël Riff. Joël Riff, qui se définit comme curieux, voit dix expositions par jour depuis cinq ans et demi. Il suit, pour chacune, un processus rigoureux de visite et de documentation : ce n’est pas tant le travail présenté qui compte pour lui que le fait de visiter, le rituel qui l’accompagne et l’obsession qui le mène. Son approche entre en résonance avec celle de cette exposition. Trop intellectuel ? peut-être, mais c’est aussi un bon moyen de réfléchir sur l’exposition et la critique.

Ci-dessus une oeuvre Sans titre de Richard Fauguet, similaire à celle présentée dans l’exposition, le petit vélo surchargé d’antivols, et CollectionPhilippe Cazal ®PC de Philippe Cazal, une déclinaison de l’objet de collection tout à fait à sa place ici.

Philippe Cazal étant représenté par l’ADAGP, la reproduction de son oeuvre a été ôtée du blog au bout d’un mois.

Ni plaisir, ni procréation : le sexe inutile ?

2010-02-expos-012b.1268226301.JPGL’exposition d’art mochica au Quai Branly (jusqu’au 23 mai) n’attirera peut-être pas les foules. elle est pourtant fort intéressante, pour le non-anthropologue, car elle traite, entre autres, du sexe inutile, ou, plus précisément et en simplifiant beaucoup, de l’acte sexuel sans plaisir et sans procréation mais comme lien entre le monde des vivants et celui des morts. Dans ce royaume péruvien des huit premiers siècles de notre ère, le pouvoir des dirigeants est lié à leur relation avec des êtres surnaturels.

2010-02-expos-011b.1268226239.JPGLes représentations rituelles dans ce royaume (et principalement les céramiques présentées ici) s’appuient sur la dualité des mondes, l’opposition entre vivants, morts et ancêtres mythiques (‘Visage ridé’), plus quelques ‘entre-deux’ (borgnes, mutilés, futurs sacrifiés). La grande majorité des actes sexuels représentés 2010-02-expos-008b.1268226204.JPGici unissent des hommes morts-vivants, spectraux, blanchâtres (excepté le pénis) et des femmes humaines de couleur rougeâtre, toujours indifférentes, voire parfois dégoûtées ou en colère (voir en haut). Il est vrai que tous ces actes sexuels, toujours hétérosexuels, sont non-vaginaux, non-procréatifs : sodomie surtout, mais aussi fellations et masturbations.

2010-02-expos-013b.1268226321.JPGLa seule sexualité procréatrice est le fait de Visage ridé, ancêtre mythique qui féconde des humaines dans la position la plus convenue. Au delà de la curiosité propre de ces céramiques, l’aperçu sur un monde mythologique inversé par rapport au monde des vivants, et donc avec une sexualité inversée, dont le seul objectif est l’affirmation du pouvoir aristocratique, est assez déroutant.

2010-02-expos-010b.1268226227.JPGEt j’ai beaucoup aimé cette scène où une femme vivante tente d’échapper à un mort-vivant masculin en traversant la paroi du bol. Peut-être la seule image de liberté dans tout cet ensemble. 

Photos de l’auteur. Catalogue.

Une rivière de mots

La rampe menant à l’espace d’exposition du Quai Branly est, depuis quelques jours et pour un an, inondée. On remonte le courant de cette rivière lumineuse, faite des mots de la base de données du Musée, noms de peuples, de lieux, d’objets, de rites qu’on enjambe ou qu’on piétine.

Si cette installation de Charles Sandison, The River, n’a pas le charme visuel de ce qu’il montrait en regard des Nymphéas, sa force vient non pas tant des mots que du mouvement qui les entraîne comme un torrent de montagne. Je ne suis pas sûr que la symbolique de ce flux emmenant ces mots de science depuis le musée vers le caniveau soit excellente, mais les quelques minutes passées à monter vers le plateau (et ses merveilles cachées) font une belle expérience. 

Photo courtoisie du musée. Charles Sandison étant représenté par l’ADGP, la photo de son installation a été ôtée du blog à la fin de l’exposition.