10 billets ce bimestre (la plupart sur des livres)
14 janvier : Femmes Photographes
15 janvier : Musée de la gentrification et droit au retour (Nikolaï Nekh)
16 janvier : « Humble servante des arts » (Bacon et d’Agata)
19 janvier : « Je croyais devenir Victor Hugo, je suis devenu Delacroix » (Frédéric Bruly Bouabré)
4 février : « J’est me cette tenue plus esthétique » (Marcel Bascoulard)
22 février : Comment regarder Blossfeldt
24 février : Pedro S. Lobo: l’effacement des images
25 février : Pourquoi l’autoportrait ? (Vivian Maier)
26 février : Mort du papier, mort de l’auteur (Alison Rossiter)
27 février : Maurice Denis, peintre et/ou théoricien
DES LIVRES (beaucoup, fautes d’expositions) :
Sur Edvard Munch, deux livres ;
– Le catalogue de l’exposition (vue en ligne) sur ses photographies au Musée Munch: Je ne vais pas revenir ici sur ce que j’écrivais alors sur ses autoportraits, sur l’érotisme des photos avec les soeurs Meisner, et sur sa technique délibérément approximative, mais seulement commenter le catalogue The experimental Self. The Photography of Edvard Munch (Oslo, Musée Munch, 2020, 120 pages, 122 illustrations dont 105 photographies de Munch sur les 183 recensées, en anglais; existe aussi en norvégien). Trois essais : Patricia Berman montre le lien entre certaines de ses photographies et ses toiles; Tom Gunning se penche sur ses expérimentations photographiques; Marie-Claire Pappas analyse ses autoportraits et ses « selfies ». Manque une bibliographie. Reçu en service de presse.
– Le livre pour enfants Réveille le Munch en toi ! de Dominika Lipniewska (Oslo, Musée Munch, 2020, 66 pages, en français; existe aussi en anglais, en allemand et en norvégien) est une manière amusante d’éveiller la créativité d’un enfant; mais ça ne fonctionne que si on lui montre à côté les toiles de Munch qui doivent l’inspirer, car elles n’ont malheureusement pas été reproduites dans ce livre. Reçu en service de presse.
Jeux de mains, un livre précieux de Cécile Poimboeuf-Koizumi et Stephen Ellcock (Marseille, Chose commune, 2021, 360 pages, en français et anglais) est cela même, un recueil de mains (mais pas de lignes de vie, comme eux), une anthologie. L’auteure et éditrice dit : « Quand je contemple une oeuvre d’art figurative, je regarde les mains » (je m’y étais prêté pour Rembrandt et Caravage). Ce livre présente dessins, tableaux, sculptures et beaucoup de photographies, allant de l’antiquité à Louise Bourgeois, en passant par, dans le désordre, Egon Schiele, Francesca Woodman, Alberto Giacometti, Edgar Degas, Claude Cahun, Man Ray, Jared Bark, Hans Holbein, Dóra Maurer et bien d’autres. Ce livre a été relié à la japonaise, c’est-à-dire qu’une feuille sur deux n’est pas découpée et ne doit pas l’être : il faut les entrouvrir délicatement pour découvrir le titre des oeuvres. Une préciosité amusante, mais qui entraîne immanquablement quelques déchirures, aussi précautionneux soit-on. Reçu en service de presse.
Quiconque a été touché par l’exposition de Ceija Stojka et par sa relation en images du génocide tant négligé des Tziganes par les nazis lira avec émotion le livre The Paper is Patient (168 pages, 105 illustrations, en anglais avec la transcription des textes en allemand de Stojka, catalogue d’une exposition au Malmö Konsthall, publié par Paraguay et diffusé par les presses du réel). En effet ce livre (pour la première fois ?) reproduit, outre les peintures de Ceija Stojka, les textes qu’elle écrivait au verso (et parfois aussi au recto) dans un allemand approximatif, en fac-similé, en transcription et en traduction. Outre les reproductions, le livre comprend un essai de Noëlig Le Roux sur le rapport de Stojka à l’écriture, une biographie par Paula Aisemberg et un texte de Irka Cederberg sur le Porajmos, le génocide négligé, relégué au second plan. Le titre est une citation de Stojka, mais on pense aussi à Anne Frank, victime de l’autre génocide, qui, n’ayant pas d’amis, ne pouvait se confier qu’à son journal, y écrivant : « Paper is more patient than man ». Un exemple, un seul, des poèmes de Ceija Stojka : « noch Bevor / Der Tot komt / Leben mit Qual » (Avant la mort, une vie d’agonie). Reçu en service de presse.
Nino Migliori reste, pour moi le jeune homme que je rencontrais à Bologne il y a bientôt dix ans, il a aujourd’hui 94 ans et, dans sa jeunesse (en années), il photographia les habitants du Delta du Pô. Gente del Delta 1958 est un petit livre de Humboldt Books (Milan, 2020, 72 pages, 50 photographies en N&B, distribué par les presses du réel, essais en italien et en anglais de Vasco Brondi sur son expérience du Delta, Mauro Zanchi sur Migliori et le néo-réalisme, et Corrado Benigni sur le regard de Migliori). Dans cette zone, alors une des plus pauvres du Nord de l’Italie, Migliori, alors plus documentaire qu’expérimental (il fera des séries similaires sur l’Émilie, le Nord et le Sud, la plus belle à mes yeux), capture l’omniprésence du fleuve, l’humilité des maisons, la détresse digne des paysans, femmes voilées en noir, hommes sombres, enfants rêvant de jouets en vitrine; sur une page, face à une jolie jeune femme avenante, fait irruption une Vespa montée par un jeune homme souriant, symptome d’un futur plus aisé. Reçu en service de presse.
Ces quelques lignes ne sauraient rendre justice à la longue et magnifique bibliographie de Susan Sontag par Benjamin Moser (Penguin, 2020, 818 pages (!), 60 photographies, en anglais; traduit en allemand, en néerlandais, en portugais, en espagnol, mais pas en français …) qui a obtenu le Prix Pulitzer pour les biographies. C’est un travail très (trop ?) détaillé, très bien documenté (l’auteur a eu accès aux archives personnelles de Sontag), fruit d’une recherche extensive, qui relate les faits, vus sous une diversité d’angles suite à ses très nombreuses interviews. Mais il a soulevé quelques controverses. C’est aussi une analyse fine de la pensée de Susan Sontag, et de comment cette pensée s’est construite, à la fois dans sa jeunesse et par ses confrontations. Je suis un peu moins convaincu par l’analyse psychologique, la volonté d’expliquer sa personnalité ambivalente essentiellement par l’alcoolisme de sa mère, et la description un peu simpliste de son angoisse devant son succès. J’y reviendrai, j’espère. Reçu en service de presse
Les secrets des tirages alternatifs par Anaïs Carvalho et Rémy Lapleige (association Dans Ta Cuve) est un livre (Paris, Eyrolles, 2021, 184 pages) bienvenu au moment où tous ces tirages non-standard reviennent en force : l’omniprésence du numérique amène ainsi des photographes résistants à revisiter les techniques du XIXe siècle, anthotype, cyanotype, papier salé, platinum, etc. Le livre s’ouvre sur une section historique, certes sommaire, mais néanmoins très utile pour recontextualiser ces démarches, puis explore, de manière plus technique, le laboratoire, l’internégatif, le tirage contact, les supports (pas que le papier …), et huit différents procédés. Même si c’est un livre plutôt pour ceux qui font, il est aussi très intéressant pour ceux qui, comme moi, regardent. Et si la problématique du tirage vous intéresse, écoutez ce colloque. Reçu en service de presse
Un joli petit livre de dix collages sensuels de l’artiste néerlandais Frits Wiggers (récemment disparu), à compte d’auteur : neuf ou seize photographies identiques d’un bout de corps féminin vu de tout près, assemblées en grille, une conceptualisation graphique d’une sensualité abstractisée. Acheté aux enchères chez Ader.
Enfin, un passionnant ouvrage sur Arthur Rimbaud et la photographie, Arthur Rimbaud Photographe par Hugues Fontaine (Paris, Textuel, 2019, 216 pages, très nombreuses illustrations). D’une part une analyse très fine des portraits de Rimbaud, enfant, chez Carjat, puis en Abyssinie (trois autoportraits en très mauvais état) et à Aden (un portrait de groupe, qui fut controversé). D’autre part le récit de l’entreprise de Rimbaud comme photographe à Harar, avec bon nombre d’images à lui attribuées. C’est un livre basé sur une recherche approfondie tant sur la vie de Rimbaud et sa correspondance, que sur l’Éthiopie et Aden à la fin du XIXe siècle et les gens qu’il y croisa. Et, surtout, c’est un récit passionnant, pas linéaire, mais fait d’une suite de vignettes, qui se lit comme un roman. On peut aussi lire Rimbaud à Aden (Paris, Fayard, 2001, 168 pages, une centaine de photos), à partir de la « fameuse » photo de Rimbaud, mêlant photos anciennes et revisite de ces lieux à Aden par le photographe Jean-Hughes Berrou (textes de Pierre Leroy et Jean-Jacques Lefrère). Livres achetés au merveilleux Espace de la Reine de Saba, un antre empli de richesses sur la Corne de l’Afrique et le Yemen.