Mohamed Bourouissa et la résistance

J’ai été vraiment très heureux de voir l’exposition de Mohamed Bourouissa au Palais de Tokyo (jusqu’au 30 juin). Très heureux parce que j’avais longtemps apprécié cet artiste, son monument au chômeur inconnu, son travail sur l’hôpital psychiatrique de Blida, mais que j’avais commencé à être un peu déçu par la vacuité du travail sur les cow-boys urbains, et surtout que j’avais déploré la dimension très commerciale de son exposition à Arles en 2019. Peu enthousiaste, je n’avais rien vu ces quatre dernières années. J’allais donc à pas comptés dans son exposition au Palais de Tokyo, présentée comme une rétrospective, craignant d’y voir un remake actualisé du marketing arlésien. Et j’ai été conquis. Il y a là comme une forme de résistance contre les impératifs commerciaux qui l’ont menacé. Peut-être ces mains repoussant le mur en sont-elles un symbole.

Je vous rassure, ce n’est pas une rétrospective au sens classique. C’est une mise en scène englobant certaines de ses pièces plus anciennes, où la rencontre d’un jardinier à l’hôpital de Blida nous emmène vers cette salle remplie de mimosas, dont le son et l’énergie deviennent des oeuvres, où le souvenir des marginaux de Philadelphie fait écho aux images violentes de voleurs à étalage affichées en magasin à Brooklyn, une humiliation qui se heurte à leur dignité, à leur résistance muette. Un parcours fluide entre installations, sculptures, vidéos, aquarelles, musique.

Un film nouveau, GDLV, Généalogie de la Violence commence par une scène douce, nocturne, pudique, timide, dans laquelle la violence policière, blanche, fait soudain irruption. Que devient le corps dans cette confrontation ? Celui du jeune homme, devenu objet, perçu comme une menace, humilié, dominé. Celui de la jeune femme, ignoré, inquiet, mais témoin.  » Ça va ?  » lui demande-t-elle après le départ des flics. Une scène banale, hélas, mais chargée d’émotion. Comment résister, sinon par les sensations, nous demande Bourouissa.

Il y a quelques artistes invités ici et là, mais surtout le pavillon du musée SAHAB (nuages), fait par des artistes du collectif HAWAF (bords) originaires de Gaza et de Paris, comme un musée fantôme autour du tigre, animal gazaoui aujourd’hui disparu. Là encore une résistance sourde, mais tenace.

Vues d’exposition. Photo 4 d’Aurélien Mole.

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