Hervé Di Rosa à Pompidou : modeste, trop modeste …

Hervé Di Rosa, Guns, 2006, 14e étape, Little Haïti, Miami, sequins et perles sur tissu, 75x90cm

Ne vous y trompez pas ! L’art d’Hervé di Rosa au Centre Pompidou (jusqu’au 26 août) peut vous sembler joli, amusant, pittoresque, léger, poétique, et, en effet il est bien tout cela (n’en déplaise à ces deux imbéciles). Mais c’est aussi un travail politique. Non point au sens militant, mais parce que celui qui le crée est un citoyen du monde, quelqu’un qui a toujours les yeux ouverts sur d’autres cultures, d’autres pratiques, d’autres systèmes artistiques et sociaux, et qui s’en inspire ; quelqu’un qui sait écouter, explorer, comprendre et s’adapter.

Hervé Di Rosa, Le Repas des Animaux, 1996, 4e étape, Addis-Abeba, acrylique sur peau de zébu, lanières de cuir, bois d’eucalyptus, 246x206cm

Comme ce fut bien mieux montré à la Maison Rouge il y a huit ans, on peut voir ici l’art créé lors de ses périples « Autour du monde » en 19 étapes, son utilisation des techniques qu’il rencontre ici ou là, et la richesse des médias qu’il emploie dans ses créations : icônes bulgares, estampes cubaines, terre cuite mexicaine (pour l’arbre de vie ci-dessous), sequins et perles de Miami (pour faire ces étonnants Guns), peinture sur verre de Tunis, statuettes de Vierges aux cinq yeux superposés de Séville, peau de zébu éthiopienne (pour le repas des animaux, ci-dessus, drôle, mais assez décalé par rapport à son esthétique habituelle), bronzes camerounais, azulejos du Portugal, et bien d’autres. À chaque fois Di Rosa se pose, découvre, apprend, s’imbibe comme une éponge, et produit ensuite des oeuvres combinant son riche imaginaire et la pratique locale (d’ici à ce que les deux mêmes l’accusent maintenant d’appropriation culturelle …)

Hervé Di Rosa, Écoute ton corps il est vivant, 2000-2002, 10e étape, Mexico, terre cuite et peinture acrylique, 196x120x39cm, avec l’aide de la famille Soteno à Motepec.

L’exposition (beaucoup d’images ici) montre aussi quelques tableaux de son époque figuration libre, des « Diromythologies » et des « Renés », et sa création du MIAM, le Musée International des Arts modestes, à Sète, qui regroupe des collections d’objets « ordinaires », modestes, ceux que, d’ordinaire on ne voit pas, et qui, dans ce musée, en séries, forme une fresque de notre époque. Le tableau ci-dessous, Storage of Treasure, se veut une synthèse de ces trois aspects : deux « Renés » oeil et bouche seulement, observent un espace où sont accumulés des objets hétéroclites venant du monde entier.

Hervé Di Rosa, Storage of Treasure, 2019, acrylique sur toile, 221x121cm

Bon, c’est très bien, mais par rapport à la superbe exposition de la Maison Rouge, c’est plutôt modeste (justement) et étriqué ici, et le catalogue ne fait pas le poids non plus (lisez plutôt son petit livre sur les arts modestes). On peut penser que, comme le dit Dagen, Di Rosa est trop contraire à un certain « esprit Pompidou » : si le Centre s’est sans doute senti contraint de consacrer une exposition au nouvel Académicien, ça semble avoir été un peu à contrecœur. Dommage …

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