Silencieux face à Brancusi

Constantin Brancusi, Mademoiselle Pogany : I, 1912 en plâtre (Centre Pompidou) ; I, 1913, en bronze (MoMA) ; II, 1920, en plâtre (Centre Pompidou) ; & III, 1933, en bronze (Centre Pompidou). Vue d’exposition, ph. de l’auteur.

L’exposition Brancusi, au Centre Pompidou (jusqu’au 1er juillet) est une symphonie de blancheur et de lumière. Non seulement elle est remarquable par la quantité des oeuvres (125 sculptures, 400 oeuvres), par la manière dont elle montre comment, pour un même motif, les formes évoluent, du bois au plâtre, de la pierre au métal, et par sa qualité didactique. Mais elle est aussi, même si vous ne savez pas grand ‘chose de Brancusi, même si les explications sur ses influences et son parcours ne vous intéressent guère, une expérience visuelle, esthétique, sensible inoubliable. Je crois qu’on peut y aller avec un jeune enfant et qu’il en sortira émerveillé. Comme le dit l’artiste : « Ne cherchez pas de formules obscures ni de mystère. C’est de la joie pure que je vous donne. » Comment parler de joie ? Mieux vaut ne pas trop parler.

Constantin Brancusi, Grand Coq : I 1924, II 1930 & III 1930-34, plâtre, Centre Pompidou, ph. de l’auteur

On peut bien sûr disserter longtemps sur son art, ses dessins préparatoires, ses photographies, mais comment rendre compte de l’émotion qu’on ressent, à peine entré, devant ces trois Grands Coqs en plâtre qui nous accueillent, dont on retrouvera d’autres versions plus tard. Puis viendra l’Oiseau dans l’Espace, ce rêve d’échapper à la pesanteur, d’accéder à la liberté de l’oiseau (et qui sera l’occasion d’un procès fameux)

Constantin Brancusi, La Muse endormie, 1910, bronze poli, 16 x 27,3 x 18,5 cm

Comment décrire ce que provoque en nous la pureté absolue de sa Muse endormie, bronze poli comme un miroir, devant ce visage absolu de la Femme, l’Unique, ayant perdu toute matérialité pour n’être plus qu’un ovale stylisé, lisse au point de susciter l’envie de le caresser ? Et encore est-ce une femme, mais la Princesse X ambiguë ou le Torse de Jeune Homme androgyne égarent encore plus les sens.

Târgu Jiu, Roumanie, 1975 (l’auteur est le 2ème à gauche).

Il y a une cinquantaine d’années, j’eus, tout jeune, la chance d’aller à Târgu Jiu, dans la Roumanie de Ceausescu, brève escapade au cours d’une mission. Je ne saurais dire l’émotion que je ressentis alors ; cette mauvaise photo est la seule trace matérielle que j’en ai gardée, pas le point de vue le plus pittoresque ni emblématique de l’Allée des Héros. Cette visite s’imprima pour toujours dans mon esprit. Je ne saurais en dire plus. Pour en savoir davantage que dans ce maigre billet impuissant à traduire mon émotion, vous pouvez toujours lire le catalogue, un abécédaire de Afrique à Zervos (Christian), un peu déroutant mais instructif.

3 réflexions sur “Silencieux face à Brancusi

  1. Thank you for this article. I am Romanian, and have loved the art of Brâncuși since I have studied him back in art school, in the late 1980s; there was an exhibition dedicated to him last year in Timișoara, and I took some photos there. I wish I could see this one at Pompidou, but my schedule doesn’t work, so I am happy to read and see information from those who were lucky to visit it.

    https://crinaprida.substack.com/p/brancusi-brahng-koo-zee

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  2. François Chevret (la Survivance) dit :

    C’est une très belle expo où la scénographie est au service d’une présentation remarquable des œuvres de Brancusi. C’est une des plus belle expo que j’ai vu au centre Pompidou ces dernières années.

    Pour compléter, il y a une bande dessinée (“Brancusi contre États-Unis”) qui aborde un épisode que l’on retrouve dans l’expo, le procès que Brancusi a fait à l’État Américain en 1927 à propos d’une sculpture controversée, Oiseau dans l’espace (il y a toute une salle dans l’expo, magnifique). Est-ce de l’art ou pas ? Cela traduit bien le contexte

    [https://www.dargaud.com/bd/brancusi-contre-etats-unis-bda5423820

    de Arnaud Nebbache.

    Tout à fait d’accord]

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