Au Centre Pompidou jusqu’au 27 février 2006
Reproductions des œuvres retirées à titre conservatoire, suite à une demande du représentant des ayants-droit.
Poursuivant ma visite de Big Bang, je me dois de vous montrer l’entrée de la section Sexe avec Le Couple de John de Andrea, bien connu (délibérément, un peu de flou pour les lecteurs du Monde; ce sera plus net ici). Et, un peu plus loin, dans la même section, dans une vitrine de côté, ce merveilleux bijou fantasmagorique de Lucas Samaras, dans une chasse rehaussée de clous et de cheveux .
Parmi mes autres découvertes, un film de Robert Smithson montre la construction de Spiral Jetty dans le Grand Lac Salé: On voit d’abord l’artiste prendre ses repères et arpenter le lac, de l’eau à mi cuisse, plantant des poteaux sur le tracé de la spirale. Une corde à sa ceinture le relie à un assistant, hors champ, qui dévide la corde selon l’équation de la spirale. Ensuite les bulldozers et les camions entrent en action, déchargeant des tonnes de cailloux, les bennes des camions ouvertes comme la gueule béante d’un monstre. C’est une œuvre violente, un viol du paysage, aux antipodes du respect de la nature d’un Richard Long. Mais la jetée a été apprivoisée depuis 1970, le sel et les concrétions du lac l’ont peu à peu envahie, elle a disparu plusieurs années sous la surface, le niveau des eaux s’élevant. Cet été, elle est, paraît-il, de nouveau visible; un de mes amis, visitant l’Utah en moto, m’a promis de me ramener des photos.
Plus loin, voici une étrange rencontre dans la salle Hybride (section Archaïsme). La sculpture De quel amour ? de Dorothea Tanning, en tissu et fourrure, comme un prisonnier enchaîné devant la Princesse X de Brancusi, sexe d’homme/ tête de femme, alors qu’on aperçoit à l’arrière-plan la chevelure noire tressée du Kounellis. Cette juxtaposition engendre des histoires de désir, des fantasmes troubles. Louise Bourgeois rode tout près.
Au passage, dans la salle Sommeil de la Raison, voici une gouache de Diego Rivera, Les Vases Communicants, projet d’affiche pour des conférences d’André Breton à Mexico. Ce cerveau, cet œil unique, ces conduits, vaisseaux, nerfs, racines, n’est-ce pas infiniment plus fort et plus novateur que la peinture de sa femme ?
Enfin, pour finir, l’extraordinaire salle de Bill Viola, dans la section finale, Ré-enchantement. Cinq Anges pour le Millénaire est une installation monumentale. Viola l’a voulue comme un lieu dédié à la contemplation, subjective, quasi religieuse, archaïque. Cinq anges, « cinq messagers entre le monde spirituel et celui de la conscience » ( Creation, Ascending, Fire, Departing, et Birth ) émergent soudainement de l’eau dans un bruit de fin du monde, puis y replongent au ralenti. Dans la pénombre, vous contemplez ces écrans aquatiques, ignorant sur lequel le prochain ange va apparaître, attendant la prochaine explosion, vous n’êtes plus qu’un homme apeuré, impuissant, de passage sur terre, dans l’attente de la révélation, d’une manifestation divine, incompréhensible mais décisive. J’y reviendrai certainement.
L’auteur de ce blog fait le pont du 14 juillet, puis part quelques jours en voyage d’affaires, mais devrait en ramener quelques billets pour ses lecteurs. Eclipse partielle jusqu’au 21 ou 22.photos de l’auteur, sauf Spiral Jetty: photo provenant du site de l’exposition
Lunettes Rouges 
