« Finalement, nous ne regretterons pas d’être venus » (Stéphanie Solinas)

Stéphanie Solinas, Déserteurs, installation galerie RVB Books, 2013

J’avais, il y a trois ans, été fasciné par le travail méthodique de Stéphanie Solinas autour des Dominique Lambert : un protocole précis et rigoureux donnant le jour à un travail sur l’identité. C’est la même approche qui guide son travail actuellement présenté (jusqu’au 12 26 octobre seulement) chez l’éditeur-galeriste RVB Books à Belleville, titré Déserteurs.

Stéphanie Solinas, série Déserteurs, 2013

Arpentant pendant des années les allées du Père Lachaise, Stéphanie Solinas, s’intégrant à la communauté des amoureux obsessionnels du cimetière, y a méthodiquement et patiemment relevé les 379 tombes d’où la photo d’identité du défunt a disparu ou a été effacée : cela va des traces de plâtre subsistant après la chute du médaillon (ovale le plus souvent) à un visage dont la forme seule est reconnaissable, mais dont les traits sont effacés, rendant toute identification impossible (et j’ai alors pensé aux martyrs de Hadjithomas et Joreige et aux icônes soviétiques d’Éric Lusito, eux aussi gommés par le temps), en passant par des formes fantomatiques où seul l’esprit du défunt subsiste, flottant comme un ectoplasme lumineux. On se retrouve alors aux confins du spiritisme et de certaines photographies d’ombres et de lumières chez Tichy.

Stéphanie Solinas, série Déserteurs, 2013

Ces photographies d’absence se déclinent au mur, mais aussi s’empilent sous une sculpture funéraire de mains entrelacées et se rassemblent dans un livre d’artiste. Chacune est marquée d’une inscription en braille, non pas l’identité du défunt, mais une manière de la retrouver : les coordonnées GPS de la tombe. Le visiteur doit s’approprier le protocole, trouvant un traducteur de braille, entrant les coordonnées dans son GPS et allant découvrir la tombe et le nom du mort sur place. À vous de jouer, dit l’artiste, faites revivre la mémoire de ces morts inconnus.

Stéphanie Solinas, série Déserteurs, 2013

Restant dans le domaine de la mémoire, quelques épitaphes soigneusement choisies (dont celle du titre) et les photographies de trois tombes tutélaires, Valentin Haüy (à défaut de celle de Braille), Nadar et Bertillon (à qui l’artiste a consacré un autre travail et un autre livre) complètent cette exposition sur l’identité et la disparition.

Photos courtoisie de l’artiste et de la galerie.