Quelle collection (2) !

A la Maison Rouge, jusqu’au 14 Janvier.

Reproductions des œuvres de Marcel Broodthaers retirées à titre conservatoire, suite à une demande de l’ADAGP représentant des ayants-droit.

Le précédent billet ayant été perturbé par les problèmes liés au changement de plate-forme informatique des blogs du Monde, je reviens sur le sujet que je n’avais traité que de manière incomplète. 

Je pourrais vous montrer mille photos de cette exposition; regardez le très beau catalogue, c’est un monument sur l’art contemporain. Ce qui me frappe le plus, c’est le fait que Perlstein, à sa manière, a écrit une histoire de l’art contemporain, plus personnelle, plus subjective, moins dogmatique que d’autres, mais une vraie histoire; vous comprendrez que je m’y retrouve parfaitement. Son interview par le commissaire de l’expo, David Rosenberg, est désopilante, modeste et révélatrice.

Le couloir d’entrée aligne trois miroirs, le premier est aveugle (Bertrand Lavier), le second couvert d’aphorismes chauvins comme « All Germans are nazis » à travers lesquels vous peinez à vous voir, à vous faire voir (Kevin Carter, un Canadien comme vous pourrez le supputer à la lecture) et le troisième est idéal en ce qu’il vous reflète, dérisoire, aux côtés d’une jeune femme peinte (Pistoletto); de l’obscur au clair, de l’idée à l’objet, du plein au vide.

Votre regard embrasse alors, en un point, l’histoire de la sculpture moderne, dans le patio et autour : Takis et Calder, Kosuth, Reinhardt et de Andrea (ci-dessous, avec une photo de Janaina Tschäpe) , Carl Andre et une superbe sculpture éclaboussante de Rebecca Horn. Vous passerez ensuite devant la pièce éponyme, Busy going crazy, de Barbara Kruger, où Sylvio Perlstein s’est si bien reconnu qu’il en a fait le titre de l’exposition.

deandrea

Ensuite c’est un délice dada et surréaliste : dans un dédale ouvert, des petits bijoux de Man Ray, de Magritte, de Duchamp et tant d’autres. Que vous citer ? Peut-être l’assemblage de photomatons qui illustra la couverture d’un numéro de la Revue surréaliste : ils sont tous là, juxtaposés comme des cases du jeu de l’oie, cravatés, posant, les yeux fermés, morts peut-être. Breton en haut au centre, comme il se doit. Tentez de les reconnaître, tentez de percer leur énigme.

Après vous naviguerez entre les mots, les chiffres, les objets, de salle en salle, de merveille en merveille. Où ailleurs qu’ici peut-on voir sur un même mur, côte à côte ou presque, au milieu d’une centaine d’autres photos, dans une pièce en forme d’oeil, La tonsure, Violon d’Ingres, Dos blanc, La prière, Erotique voilé, plus Les mains d’Yvonne Zervos masquées par Picasso et les portraits d’Antonin Artaud et de Cocteau par Man Ray ?  Ce collectionneur est plus qu’un visionnaire, c’est un mage.

neto paik cragg

Je me suis personnellement délecté de la salle Broodthaers, ses moules, ses oeufs et le Fémur d’homme belge (en haut). Continuez dans le Playground (ci-dessus, avec Ernesto Neto, Nam June Paik et Tony Cragg), dans la salle minimaliste, dans le couloir aux femmes nues, dans l’enfer.  De toute façon, vous sortirez ébloui en vous disant que vous devez absolument revenir.

Photos de l'auteur.