Séduction 2 (interdit aux moins de 18 ans)

L’exposition Seduced au Barbican (jusqu’au 27 Janvier) présente aussi des oeuvres contemporaines, et en particulier vidéos et photos. 

seduced-9.1196611635.jpgLa photographie décuple l’image érotique, son nombre comme son pouvoir. A côté de toutes les photos coquines de la belle époque, la manie « catalogueuse » du fameux Docteur Kinsey est digne d’intérêt : chaque posture, chaque combinaison sont classifiées à l’intérieur de 44 catégories, visant à représenter de manière exhaustive, 18 siècles après le Kama Sutra, toutes les possibilités érotiques. Voici, par exemple C Supine VV Prone; vous remarquerez que ni la voiture, ni la mine satisfaite de l’homme regardant l’objectif ne sont catalogués. Thomas Ruff aussi utilise une classification, plus hermétique : ses photos proviennent de sites pornos sur Internet; en les agrandissant, il les rend plus floues, il recompose les pixels et crée ainsi un voile, une frustration (nudes br16, 2004). Ni Kinsey, ni Ruff n’ont pris ces photos eux-mêmes; ils les ont choisies, nommées, montrées, et en ont fait un élément de leur discours, scientifique ou artistique.

Il ya bien sûr Araki, et Jeff Koons, qui déclare que sa série Made in Heaven, où il se représente faisant l’amour avec la Cicciolina, est basée sur son expérience devant cette fresque de Masaccio. Il y a tous les « usual suspects », tous ceux qu’on s’attend à trouver là : Masson, Bellmer et Francis Bacon, Marlene Dumas et Nan Goldin, Mapplethorpe et Louise Bourgeois; Tracey Emin aussi, étonnamment sobre (« Is Anal Sex Legal ? Is Legal Sex Anal ? »).

Voici des photogrammes de deux vidéos qui se répondent, et qui diffèrent, un homme et une femme, jouissant de la même manière. Le film de Warhol, Blowjob, de 1963, est silencieux; il ne montre que le visage de ce jeune homme. Les images en noir et blanc, filmées à 24/seconde, défilent plus lentement à 16/seconde; c’est lent, le film dure 41 minutes, la forte tension des premières minutes se dissipe, on s’ennuie un peu. L’orgasme est banal, le jeune homme allume nonchalamment une cigarette, seduced-11.1196611517.jpgrien de plus ordinaire que le sexe. L’artiste anglaise k r buxey se met en scène elle-même dans Requiem, un film en couleur de 39 minutes réalisé en 2002. Plutôt qu’à l’acte, le titre se réfère à la musique, le Requiem de Fauré, qui accompagne son orgasme. C’est une riposte féministe à Warhol, une affirmation différente du plaisir, la réponse de Sainte Thérèse ou Sainte Catherine à Saint Sébastien. A la fin, l’artiste remercie son amant, invisible, à genoux devant elle : aux antipodes de la pornographie. 

Enfin, la présence en filigrane ou presque de Marcel Duchamp apparaît ici et là. Le catalogue lui consacre plusieurs pages, Richard Hamilton reproduit le Grand Verre avec les notes de Duchamp, on se prend parfois à rêver à « Etant donnés ». Quatre des dessins érotiques que Duchamp fit à la veille de sa mort sont exposés ici, ainsi que deux de ses objets érotiques : « Coin de chasteté /Wedge » et Dart Object (1951/1962 : dard, objet d’art).

Pour prolonger l’exposition, vous pouvez aussi aller sur Facebook ou MySpace, ou voir comment de jeunes artistes ont été inspirés par l’exposition. Lisez aussi ici la chronique d’une visiteuse très sensible à l’ambiance de l’exposition lors de sa visite.

Photos provenant du catalogue. Ruff, Warhol et Duchamp copyright ADAGP : les photos de leurs oeuvres ont été retirées du blog à la fin de l’exposition. Suivez alors les liens ci-dessus pour retrouver les images.