Mon Dieu, l’exposition ‘L’Art en Guerre’, au MAMVP finit dans quelques jours (le 17 février), je l’ai vue il y a quatre mois, n’ai pas encore fini de lire le catalogue, et, ici, dans la campagne toscane, je n’ai même pas mes notes de visite. Alors que c’est un mariage remarquable d’art et d’histoire, une mise en perspective de ce que fut l’art pendant les années noires de l’Occupation, et aussi avant (avec les prémonitoires surréalistes), et aussi après (avec la décompression de la Libération). Remarquable aussi parce qu’à côté des compromissions plus ou moins lâches, elle montre que l’art peut être (souvent, pas toujours) une résistance, discrète, subtile, mais essentielle contre le consensus béat, un refus de se laisser emporter par la peur, la violence, la terreur, hier comme aujourd’hui.
Alors, faute d’une véritable recension de l’exposition, quelques images, en commençant par la collaboration : l’exposition le Juif et la France (en haut; qui est le sculpteur ?), le fameux voyage en Allemagne (avec, de gauche à droite, Despiau, Friesz, Dunoyer de Segonzac, Vlaminck, van Dongen et Derain), et l’éloquent salut à Arno Breker de Jean Cocteau (ci-dessous à gauche).
Et puis l’art secret des prisonniers, des déportés, des pourchassés, des ordinaires qui, soudain, ne trouvent que l’art pour exprimer leur flammèche de résistance, leur refus de se laisser totalement détruire : la jeune juive cachée Charlotte Salomon (dont on a vu une belle exposition à Paris il y a quelques années), le prisonnier d’origine hongroise Joseph Soos, l’hallucinant naïf mulhousien Joseph Steib et cette oeuvre unique de Myriam Lévy dont on ne sait rien sinon qu’elle mourut dans un camp.
Cette dame de pique transpercée est un cri de l’au-delà, auquel peut faire écho le jeu de cartes dessiné à plusieurs mains par des artistes réfugiés à Marseille (Brauner, Breton, Delanglade, Dominguez, Ernst, Hérold, Lamba, et Masson), en attente d’un hypothétique départ pour l’Amérique, refuge ultime (tant pour les persécutés que pour les planqués*). Alors Matisse, Bonnard et Rouault se mettent à distance, Picasso se cloître dans son atelier et crée des chefs d’œuvre qu’on ne verra qu’après la libération.
Peut-être le peintre le plus emblématique à mes yeux de cette période est-il Jean Fautrier, dont les Otages (et, ici, la Juive de 1943) combinent le tragique de l’histoire et la conviction qu’on ne peut plus peindre comme avant, qu’il faut inventer un nouveau mode de représentation du monde, et de l’horreur.
Fautrier étant représenté par l’ADAGP, la reproduction de sa toile a été ôtée du blog au bout d’un mois. Photo 3 de l’auteur, photos 4 & 8 courtoisie du MAMVP.
- Il est par ailleurs divertissant de lire Orchidée fixe, semi-fiction de Serge Bramly sur l’escale à Casablanca de Marcel Duchamp en 1940.
Une exposition d’art qui parle beaucoup plus que les livres d’histoire. Rien à dire! Amazing!
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merci de me rappeler la fin très prochaine de cette expo que je n’ai pas eu le temps de voir. Je vais y courir.
En revanche j’ai vu une installation « La Matrice » au Musée Singer polignac qui pointe la limite poreuse entre réalité, rêve et fantasme, en même temps très esthétique.
J’aimerais bien savoir ce que vous en pensez
http://www.delairedanslart.fr/art-contemporain/la-matrice-premiere-installation-du-projet-chambre-au-musee-singer-polignac/
jusqu’au 7 mars
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Tres bon post. C’est une expo d’importance, pour son lien Histoire/Histoire de l’art. Les Picasso, dont des natures mortes, sont a tomber par terre. Et, comme vous le dites, la salle Fautrier, avec la série des otages, est saisissante. Puis grosse emotion devant les dessins de Charlotte Salomon. Les photos historiques, ou l’on voit des grands noms en présence de nazis et collabos, sont édifiantes : Van Dongen, Derain, Cocteau, Vlaminck… c’est pas joli joli tout ça. LA HONTE meme. Pablo Picasso, en restant sur place, sans compromission avec le pouvoir établi en place, n’en sort que plus grandi. Et Pétain, ce salaud, y apparaît plus sénile que vraiment diabolique… Mais le débat reste ouvert…
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Cette exposition m’a fait demander une fois de plus, si j’avais été adulte en 1940, quelle position aurais-je prise? Facile de juger l’histoire, avec le recul.
Steib, une découverte. Les quelques dessins dans les camps m’ont fait regretter l’absence de ceux de Zoran Music.
Oui, le Bramly est savoureux…
Et on a envie d’emprunter votre catalogue.
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Pour moi aussi, Zoran Music, inoubliable, pour dénoncer l’horreur.
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