Guido Guidi, photographe des marges

Guido Guidi, Fosso Ghiaia, Ravenna, 1971

Guido Guidi, Fosso Ghiaia, Ravenna, 1971

Traduction en espagnol

On définit en général Guido Guidi (à la Fondation HCB jusqu’au 27 avril) comme un photographe de paysages : ce n’est pas faux, certes, mais ne vous attendez pas à voir là les collines toscanes, les ruines romaines, le pittoresque napolitain ou les plages ioniennes, ce n’est pas Luigi Ghirri. Guidi est un photographe de la périphérie urbaine, des espaces décrépits qui ne sont plus vraiment agricoles et pas encore industriels, de cet univers sans formes, sans essence, dont il fait ressortir, non l’absence de beauté, mais en tout cas la singularité. Guidi photographie des rues, des terrains vagues, des façades, des rebuts, tout cet univers que, souvent, nous préférerions ne pas voir. L’homme n’y est souvent qu’incident, secondaire, un rouage du mécanisme ici découvert ; et d’ailleurs, les portraits individuels, posés de Guidi montrés dans l’exposition frappent par leur caractère gauche, compassé, comme si le photographe se heurtait là à une autre forme de mur, qu’il aurait du mal à dépasser, à élucider (alors que cet homme capturé en train de lire le journal, et mécontent d’être ainsi pris en photo, est saisissant).

Guido Gudi, Cesena, 1967

Guido Gudi, Cesena, 1967

Guidi travaille par séries, regardant inlassablement comment le passage du temps, le jeu de la lumière, les variations du ciel changent l’image (Fiume), variant l’angle de

Guigo Guidi, Calais, 04.1996

Guigo Guidi, Calais, 04.1996

prise de vue (Preganziol), jouant entre couleur et noir et blanc (Venise 1984). J’ai regretté l’absence de sa série sur le tombeau Brion de Carlo Scarpa, qui, à mes yeux, est à la fois un travail stylistique passionnant et un outil de méditation esthétique et éthique. Une série géographique est abondamment présentée ici, un déplacement triste qui n’a rien d’une « road movie », une suite de paysages de Saint-Petersbourg à Saint-Jacques de Compostelle (en passant par Calais, ci-contre) où, une fois défait le prétexte itinérant pèlerin, les vues de villes glauques et de terrains vagues se succèdent, similaires n’étaient les enseignes et les marques de voiture.

 

 

Guido Gudi, Rimini Nord, 14/10/1991

Guido Gudi, Rimini Nord, 14/10/1991

Plus fascinantes sont les quatre mystérieuses photographies (non reproductibles) sur le mur du fond de la première salle, toutes faites à Ronta en 1981. Les deux au centre, prises le 19 mai, ne montrent que des ombres indistinctes, des formes inabouties dans la pénombre : ce sont des négatifs sur papier salé. Les deux autres, plus grandes, qui les encadrent, datent du 9 septembre : ce sont des tondi, semble-t-il, fantaisie de l’objectif ou de la chambre. On y distingue une pièce et, dans l’une, un miroir frontal avec le photographe et sa chambre de prise de vue. Nul n’en dit rien, on ne sait rien de plus, ni de la technique, ni de l’endroit ou du sujet, ni de la raison pour laquelle le si précis et si attentionné Guidi a produit là ces images d’entre-deux, ces fantômes photographiques archaïques ou révolutionnaires, qu’il faut voir sur place.

 

Henri Cartier-Bresson, Madrid, 1933

Henri Cartier-Bresson, Madrid, 1933

P.S. : J’en profite pour dire quelques mots sur la grande exposition Henri Cartier-Bresson au Centre Pompidou (jusqu’au 9 juin) : une exposition sérieuse et scientifique, présentant toutes les facettes du travail du photographe, en faisant ressortir l’évolution et la cohérence, ne se limitant pas à l’éculé « instant décisif »,

Henri Cartier-Bresson, Haïfa, 1967

Henri Cartier-Bresson, Haïfa, 1967

donc remarquable en tout point (et le catalogue a l’air très bien), mais un peu sèche et désincarnée, manquant de fantaisie ou de chaleur. En sortant (après cette ultime photographie, insondable, d’enfants – arabes ou juifs ? – à Haïfa en 1967), je me suis mis à relire Pierre Assouline pour insuffler un peu de vie dans cette épure. Un contraste avec le détachement casanier de Guidi.

copyright Guidi et Cartier-Bresson (Magnum)

 

 

5 réflexions sur “Guido Guidi, photographe des marges

  1. Bonjour,

    Je vous contacte pour vous faire connaissance de la galerie photo Mind’s Eye,
    dont je suis le propriétaire. Mind’s Eye est une association dont le but est de chercher des liens entre les mathématiques et la photo, mais on présente des expositions sur des thèmes divers depuis 18 mois. Je vous invite de passer voir l’expo actuelle, sur le portrait, qui continue jusqu’au 26 avril. La galerie est située au 221 rue St. Jacques (à l’angle avec la rue Gay-Lussac. Elle est ouverte du mercredi au samedi, de 15h à 19h. Vous pourrez trouver d’autres informations sur le site de l’association, http://www.mindseye.fr.

    Cordialement,
    Adrian Bondy

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  2. arz dit :

    Sur ces quelques photos le contraste entre le travail de Guidi et celui de Cartier-Bresson est saisissant, vertigineux. Le génie, le graphisme pur d’un côté, et de l’autre un témoignage intéressant et personnel mais d’un besogneux …

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