Le danseur au Leica

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L’exposition Images à la Sauvette à la Fondation Cartier-Bresson (jusqu’au 23 avril) est certes l’occasion de voir, ou revoir, bien des images de cet album mythique : une intéressante découverte pour les néophytes, le rafraîchissement d’agréables souvenirs pour ceux qui connaissent déjà bien son travail, mais rien de très original. À l’exception, dans un recoin, d’une courte vidéo de 1 minute 40 secondes, où cet homme, qui, paraît-il, détestait être lui-même photographié ou filmé, est saisi en pleine action par le photographe américain Gjon Mili. Nous sommes à New York en 1959 lors des célébrations du Nouvel An chinois : des dragons de papier, des pétards, la foule, rien d’extraordinaire, juste une fête. Et au milieu de cette foule, un homme qui danse, qui saute, qui virevolte, qui tourne en tous sens, qui bouscule un peu les passants, qui recule, qui fait deux pas à droite, qui revient, toujours prêt. Henri Cartier-Bresson l’a lui-même dit, le photographe doit être agile comme l’arbitre d’un combat de boxe, à la fois à l’écart et dans l’action, attentif à tout, ne loupant rien. Et, au bout de son bras, comme une extension, une prothèse, son Leica. Le geste du photographe, a écrit Vilém Flusser, est en tout point comparable au geste du philosophe : le choix du point de vue comme doute méthodique, la manipulation photographique de la réalité comme remise en question de la causalité objective, et le recul critique réflexif devant l’image comme manifestation de la liberté philosophique. Le photographe n’est pas un observateur détaché, distant et extérieur, il est inclus à l’intérieur même de la scène photographiée ; tout autant que l’appareil est son instrument, il est lui-même un outil servant l’appareil. Même si vous connaissez Cartier-Bresson par cœur, allez voir cette petite vidéo (que je ne trouve pas via Google ; à sa place, en haut, un photogramme du film L’Aventure moderne de Roger Kahane).

Une réflexion sur “Le danseur au Leica

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