Nikolaj Larsen, Migrants en marche

Nikolaj Larsen, Wanderers, 2018

en espagnol

Dans son exposition à la galerie Presença à Porto (jusqu’au 4 mars), comme déjà il y a cinq ans, Nikolaj Bendix Skyum Larsen revient sur un de ses thèmes de prédilection, les migrants, les réfugiés, comme ici, et . Dès l’entrée, trois cents statuettes stylisées en plasticine avancent vers leur avenir : masse sombre d’une foule de migrants que les discours sur le grand remplacement nous conduiraient à percevoir comme une invasion menaçante. Mais chacune, même sans visage, est particulière, portrait un individu spécifique, un vieillard, une femme enceinte, un enfant, un homme jeune (voir en bas). Chacun d’eux est empreint de dignité et d’espoir. Au fond de la galerie, loin devant eux, la photographie d’un arc-en-ciel dans un paysage désertique.

Nikolaj Larsen, Lost Somehow, 2023

C’est en connaissant un de ces réfugiés Porte de la Chapelle que Nikolaj Larsen a conçu ce travail : sans langue commune entre eux, lui et ce jeune Égyptien ne communiquaient qu’avec difficulté jusqu’à ce que le jeune homme lui remette une lettre en arabe racontant son parcours. Le lendemain, à la suite d’une opération de police, il disparaissait. Dans cette lettre que Larsen a fait traduire, il a noté les mots « Lost Somehow », perdu en quelque sorte, qui donne le titre de cette exposition : ils apparaissent en néon rouge dans la vitrine de la galerie, comme un appel.

Nikolaj Larsen, Red River, vidéo, 2022

Les mots de cette lettre accompagnent une vidéo, Keep Moving Forward, faite en collaboration avec Duncan Pickstock, montrant le cheminement d’un homme solitaire au visage flouté dans un désert sous un soleil de plomb, mais avec un arc-en-ciel incongru : un homme vulnérable, perdu quelque part, mais qui avance, entre confusion et espoir. Une autre vidéo est un périple en bateau sur le fleuve Evros (ou Maritsa), frontière entre Turquie et Grèce où se pressent les migrants, poussés par la Turquie, refoulés (illégalement) par la Grèce : montrant seulement l’eau du fleuve et la végétation des rives, sans un être humain, la vidéo commence de manière bucolique, douce et apaisée, une jolie balade idyllique entre eau bleue et arbres verts, bercée d’une douce musique. Puis, peu à peu, le rythme s’accélère, la musique devient graduellement plus violente, la couleur de l’eau passe progressivement d’un bleu apaisé à un rouge écarlate : l’Evros est le plus grand cimetière de migrants en Grèce.

Nikolaj Larsen, 4 Wanderers, 2018

Le travail de Nikolaj Larsen n’est pas documentaire ou militant, mais il pose subtilement des questions dérangeantes sur les migrations en les transcendant dans une création artistique. Par exemple, dans son film Quicksand (montré ici-même il y a 5 ans), un Européen tente de fuir son pays en proie au chaos, vers des pays plus hospitaliers, qui rejettent les migrants : or dans cette vidéo, on ne voit que des images d’air et d’eau, rien n’est montré, tout est suggéré. Comme je le notais alors, sa simplicité, sons sens de l’ellipse, sa créativité rendent son discours bien plus fort qu’un simple témoignage. Cet essai très complet replace son travail dans un contexte historique.

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