Pipilotti Rist, à la galerie Hauser & Wirth (196a Piccadilly, à Londres) jusqu’au 17 décembre.
La galerie Hauser & Wirth occupe un petit hôtel particulier sur Piccadilly, une ancienne banque (voir aussi la collection personnelle des galeristes). Vous entrez dans une salle carrée majestueuse, où des lits sont disposés autour d’un miroir, comme un puits central. Couchez vous, regardez le plafond tout en caissons avec au centre un énorme oeil, un écran circulaire. La vidéo de Pipilotti Rist, Homo sapiens sapiens est projetée sur cet écran, avec des images parasites, comme des échos, sur le reste du plafond. Vous pouvez commencer à rêver.
Dans une forêt automnale, où le rouge des feuilles resplendit, la caméra caresse l’herbe, l’écorce, la terre. Apparaît l’héroïne, Pepperminta, luxuriante rousse en robe blanche, sorcière aux cheveux de feu, au visage criblé de taches de rousseur. Elle ne fait qu’une avec les arbres qu’elle étreint, l’herbe dans laquelle elle se roule; une harmonie sensuelle, une symbiose sexuelle. Les doigts écartés sur le tronc d’un bouleau, elle applique consciencieusement du vernis à ongles rouge vif entre ses doigts, sur l’écorce blanche. Musique idyllique, crapauds, insectes, bruit du vent. Chaussée de bottes rouges disgracieuses, elle court dans la campagne, arrive en ville, se débat dans un long et étroit corridor claustrophobique (ci-contre), puis repart dans la forêt.
Un film très doux, sensuel, qui devient plus tendu, plus inquiétant dans la scène du corridor. Une sensation de rêve, d’hypnose presque, on ne sait où est le haut ni le bas, on perd tout repère. On peut aussi se retourner, quitter le plafond des yeux et se pencher dans le puits central, s’y perdre de vertige, alterner entre proche et lointain, entre large et étroit, entre carré et rond, bas et haut.
Comme toute l’oeuvre de Pipilotti Rist, une oeuvre féminine, féministe, séduisante et inquiétante. La version précédente de cette vidéo, présentée cet été à Venise dans l’église San Stae (ci-dessus, comme un tableau au plafond de la nef), était apparemment plus édeniste et érotique, avec deux Eves nues gambadant dans le Jardin d’Eden (images ci-contre et ici). Là aussi, il fallait se coucher sur des matelas et regarder le plafond. Et le curé ferma l’église (voir ici; cliquez sur 26.09.05)
Au sous-sol de la galerie, dans la salle des coffre-forts, une autre vidéo, Ever is Over All, drôle mais moins magique: une jeune femme, qui semble être sous hypnose, déambule dans la rue, le sourire aux lèvres; armée d’une masse, elle détruit les vitres des voitures garées là. La policière qui passe lui sourit. Incitation écologique ? pour dégonfler les pneus de mon 4×4 ? Un peu décevant après la magie de la vidéo de la grande salle.
Photos provenant des sites en référence