Cette exposition sur Josef Sudek (au Jeu de Paume jusqu’au 25 septembre) commence par une surprise un peu décevante : jusqu’en 1940, le travail de Sudek paraît plutôt fade, du pictorialisme assez banal, des jolis effets de lumière et de fumée, de nuages et de flou. Et puis, soudain, quand il atteint 45 ans, tout explose, et on se trouve devant une des plus grandes œuvres photographiques du siècle, que rien ne laissait présager. J’aurais aimé lire une analyse (ou un poème …) sur cette révélation tardive.
Et, face à cette magie de l’image, on ne comprend d’abord pas ce qui nous fascine : ce n’est pas la technique, ce n’est pas le sujet. Quoi de plus banal que de photographier le monde extérieur depuis sa fenêtre ? Et pourtant cette série-là est magique.
Quoi de plus simple que de photographier sa ville la nuit, en jouant de la lumière et de la brume ? Quand il le fait en 1918, c’est plat et fade; quand il le fait dans les années 50, on ne peut détacher les yeux de ces images.
Lui qui est manchot photographie avec émotion les arbres abîmés, la nature tourmentée, la pollution, et aussi une statue amputée. Il fait des essais pigmentaires, des compositions audacieuses, des panoramiques vertigineux, des objets composites étonnants (en haut).
Beaucoup de ses photographies commerciales sont abstractisantes, mais par dessus tout, ses photographies de verres transcendent l’objet, deviennent des images sans pesanteur, sans matérialité. Mais comment diable fait-il ?
Il faut y aller et y retourner pour se laisser pénétrer par cette magie incompréhensible (seule faiblesse de l’exposition, ses photographies couleur 6 mois avant sa mort, une simple anecdote, à mes yeux).
Toutes photos (c) Succession de Josef Sudek. Photos 1 á 4 courtesy du Jeu de Paume