Hassan Hajjaj, l’Arabe de service à la MEP

« Maison Marocaine de la Photographie » (Hassan Hajjaj), vue d’exposition (si on peut dire)

En espagnol

Dans l’exposition de Hassan Hajjaj à la MEP (jusqu’au 17 novembre), on trouve, à côté d’une série de photos de femmes voilées, le texte suivant : « Je comprends qu’on puisse trouver dérangeant que certaines femmes que je photographie soient voilées ». Cette exposition est faite pour ce « on », ce « on » qu’une Marocaine voilée dérange, ce « on » pour qui l’Arabe est acceptable s’il est gentil, bien élevé, respectueux, s’il s’intègre dans nos codes européens, s’il nous présente son univers propre de manière édulcorée, digestible, lisse, sans aspérités, sans soulever la moindre question politique, sociale, culturelle, coloniale, s’il est comme Hassan Hajjaj en somme. C’est une exposition faite pour tous ces gens qui adoooorent Marrakech, cette ville si pittoresque, ses riads et ses habitants si gentils. C’est une exposition désolante où Monsieur Hajjaj fait la promotion, non seulement des vêtements qu’il conçoit, si joliment inspirés par les traditions marocaines et les modes branchées du Marais et d’ailleurs (et on peut déjà se demander pourquoi la MEP participe à cette promotion commerciale), mais surtout d’un regard sur le Maroc, la culture arabe, l’Islam, qui relève du conformiste néocolonial le plus dégoulinant de bienveillance condescendante. Est-il si difficile de trouver des artistes arabes qui n’aient pas honte de leur culture, qui aient la fierté et le courage de ne pas se plier aux fantasmes féministo-islamophobes des Fallaci-Fourest- Badinter (Mme) ? Et de crier à l’Andy Warhol marocain (à cause des boîtes de conserve qui encadrent ses photos ?), au Seydou Keita ou au Malick Sidibé de Marrakech (donnez-vous la peine de descendre au sous-sol dans la « petite galerie », vous y verrez quelques clichés de Keita et de Sidibé, et vous pourrez comparer).

Hassan Hajjaj, série Handprints

En fait, mieux vaut parcourir cette exposition en rigolant : Hajjaj photographie des pieds et des jambes car ça évoque le nomadisme des Arabes, et il photographie ses copains branchés de Marrakech, tatoueurs, DJs et barmen interchangeables, en contre-plongée pour leur donner « plus de dignité ». Seules quelques photos sans artifice de sa série Handprints, comme celle ci-dessus, ont un peu de dignité. Une catastrophe.

Zahrin Khalo, série Chronique d’une jeune Arabe

On se consolera un peu en voyant (jusqu’au 13 octobre) le travail de la photographe Zahrin Kahlo, avec principalement des portraits en gros plan d’une actrice tunisienne nommée Mariam, fière et digne, au regard franc et direct, provocateur même. Elle fume des cigarillos, sa voilette moque le voile, ses épaules sont dénudées et les aisselles de sa consoeur (« néo-orientaliste ») ne sont pas épilées : on gagnerait à avoir un peu plus de contexte, une mise en situation, un éclairage plus large, mais c’est tellement mieux que les autres salles (et bientôt, à partir du 18 octobre, une exposition de Lamia Naji, qui, d’après ce que j’ai déjà vu, devrait aussi être de qualité).

Zahrin Kahlo, série néo-orientalisme, 2016

Pour être positif, les foodtrucks promis par le nouveau Directeur de la MEP n’ont pas encore remplacé le jardin de Keiichi Tahara, mais, après sa première exposition, il continue visiblement sur la même lancée. Des tragédies de Corneille en fin de vie, Boileau disait : « Après l’Algésiras, Hélas ! Mais après l’Attila, Hola ! », mais, au moins il y avait eu Le Cid avant. Je crains qu’ici le Hola ! ne soit hélas pas pour tout de suite …

Photos 1, 2 & 4 de l’auteur